Le Forum national de Bangui s’est finalement ouvert hier 04 mai 2015 dans la capitale centrafricaine. Entre appel au boycott du parti KNK et le mécontentement pour des quotas de participation émanant de cinq autres groupes armés (FDPC, MLJC, UFR, URFF et RJ), en coulisse, Radio Ndeke Luka (RNL) a pu observer qu’il y a du bon mais aussi mauvais.
Du bon, relève RNL, une équipe médicale est déployée au siège du parlement provisoire pour les urgences et autres maladies ponctuelles. L’équipe est composée de techniciens spécialistes. Du bon aussi, la pause-déjeuner a été servie à temps et était accessible et suffisante pour les participants.
Du frustrant, constate RNL, une série de candidats à la présidentielle sont commodément installés à la première place, tandis qu’une autre catégorie est restée confondue avec la foule, du reste des participants.
Outre ce cas de figure, pour cette première journée d’ouverture de ce rendez-vous, les participants doivent se soumettre à cette longue queue pour entrer en possession des kits. Certains malins glissent parmi les autres pour être en tête et se servir les premiers ; d’autres des personnalités s’égosillent en public pour dénoncer cette manière de faire.
RNL a pu aussi capter quelques indiscrétions des groupes politico-militaires qui veulent aussi profiter de cette grande rencontre pour réclamer une amnistie pour les crimes commis durant la crise. Sachant que ce chapitre n’est pas inscrit au programme des échanges, certains délégués semblent vouloir en faire une priorité.
Amnesty International, dans une lettre ouverte sous forme de recommandations en marge du Forum de Bangui, datée du 30 avril dernier et signée du secrétaire général, Salil Shetty, reste convaincue que la lutte contre l’impunité devra passer par la remise sur pied d’un système de justice légitime, indépendant et capable de demander des comptes à tout un chacun, quelque soit sa position dans la société.
L’organisation de défense des Droits de l’homme note aussi que l’histoire récente de la Centrafrique a démontré que les immunités et amnisties, souvent octroyées à la classe politique et aux groupes armés, n’ont fait que perpétuer les cycles de violence.
Un appel qui a été relayé par Catherine Samba Panza, présidente de la transition qui, dans son discours d’ouverture au Forum, a affirmé que : « les questions d’amnistie des auteurs de crimes ne doivent pas s’inviter aux débats ».
Le Forum de Bangui, selon Amnesty International, doit fournir l’opportunité aux Centrafricains de bâtir un pays établi sur des bases garantissant que tous puissent être tenus responsables pour les actes qu’ils commettent.
Dialogue inter-centrafricain : entre boycott et mécontentement
Ouvert hier lundi, le Forum national soulève des mécontentements au sein des entités devant y prendre part.
Le parti travailliste Kwa na kwa (KNK) de l’ancien président François Bozizé Yangouvonda a purement et simplement refusé de prendre part aux travaux. Le KNK avait conditionné sa participation aux assises, à la présence de son leader en exil depuis le 24 mars 2013. A l’ouverture ce matin, Bozizé, considéré comme un pion capital dans la crise, n’était pas dans la salle. Ce qui justifie le sabotage du KNK.
« Les raisons de notre boycott sont que depuis 2014, notre formation politique a réclamé la tenue d’un Forum inclusif, un Forum ouvert à tous les acteurs de la crise centrafricaine, notamment politique. Vous savez très bien que Messieurs Michel Djotodia et François Bozizé, deux anciens chef d’État, sont les acteurs majeurs de cette crise », explique le secrétaire général du parti Bertin Béa.
« Nous considérons donc que c’est une mascarade, c’est un dialogue exclusif, par conséquent il n’y a pas de raison à cautionner une telle mascarade », a regretté M. Béa.
Du côté des autres groupes armés, certains représentants ont quitté l’hémicycle du parlement provisoire avant l’ouverture officielle des travaux.
Le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) de Martin Koumtamadji alias Abdoulaye Miskine, le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ) d’Abakar Sabone, l’Union des forces républicaines (UFR) de Florian Ndjadder, l’Union des forces républicaines fondamentales (UFRF) d’Askin Nzéngué Landa et la Révolution justice (RJ) d’Armel Sayo, qui ont fusionné leur union, ont présenté unanimement leur insatisfaction face au quota accordé à chacun d’eux.
Le porte-parole du MLCJ, Larry Nordine Mahalba, a au nom des autres groupes armés, évoqué un malentendu avec le gouvernement au sujet des quotas. Selon lui, les autres groupes armés sont favorables au dialogue de Bangui, « Nous n’allons pas boycotter, mais c’est une question d’entente entre le gouvernement et nous ».
« Nous représentons des entités et travaillons au nom de la base. Au cas où la base pense que les choses ne marchent pas, nous sommes obligés de privilégier l’intérêt du groupe. (…) Nous constatons qu’il y a la politique de deux poids deux mesures, alors qu’il n’y a pas un petit groupe armé. Il faudrait qu’il y ait un entretien entre le gouvernement et nous, et nous pourrons repartir pour les travaux », a indiqué le porte-parole du MLCJ.
Invités à quitter la salle, deux représentants dont celui de l’UFR et de l’UFRF, ont maintenu leur ferme volonté à poursuivre les débats. Selon Larry Nordine Mahalba qui considère la pratique comme un vice de forme qui n’engage que leurs auteurs, les autres membres sont mécontents.
« Si nous cherchons la paix, il faut savoir comment la chercher. Nous représentons différentes entités et si la base juge qu’il faut aller en négociation, il ne faut pas voir l’argent », a précisé Larry Nordine Mahalba.