« L’eau c’est la vie », dit-on mais en République Centrafricaine, la réalité est tout autre chose. L’eau potable reste jusque-là une denrée rare. Aucun quartier n’en est épargné même si la spécificité diffère d’un secteur à l’autre. La Sodéca (Société de distribution d’eau en Centrafrique), seule structure nationale qualifiée dans la distribution d’eau sur l’ensemble du territoire, n’arrive pas à satisfaire le besoin de la population.
Dans les quartiers nord de Bangui, Boy Rabe, Fouh, Gobongo, Galabadja pour ne citer que ceux-là, l’eau potable reste un aliment à accès difficile même en 2015. L’accès à l’eau de la Sodéca devient dès lors difficile. Les habitants, situés sur les flancs des collines Bas Oubangui, se confrontent à des difficultés en rapport à leur position géographique.
Ces habitants peuvent passer des jours sans avoir de l’eau courante aux robinets. Ils se rabattent sur des puits parfois mal ou non traités avec les conséquences sanitaires qui s’en suivent. Pour s’en approvisionner, les femmes sillonnent les quartiers voisins. Ce que témoigne Sainteté, une habitante de Galabadja dans le 8e arrondissement.
« Le problème d’eau potable se pose avec acuité. Cela fait trois jours que nous n’avons pas d’eau pour la consommation ni pour nous laver. Il nous faut aller dans les quartiers périphériques pour nous en approvisionner. Nous ne pouvons pas, en tant que femme, nous déplacer sur de longue distance pour avoir de l’eau », a illustré Sainteté.
Le maire du 7e arrondissement de Bangui, Joseph Tagbalé, relève que le manque d’eau potable devient cruel en saison sèche dans sa circonscription.
« Pour 60.000 habitants, nous avons seulement 12 kiosques d’eau fonctionnels. (…) Pendant la saison sèche, il nous manque cruellement de l’eau potable », a-t-il indiqué.
La difficulté d’accès à l’eau aux rares fontaines publiques s’ajoute au problème de s’en approvisionner. Pour ce jeune garçon rencontré, bidons entassés dans une poussette, certains trajets sont parfois pénibles. Il souhaite une amélioration de la situation.
« Le problème d’eau potable est complexe dans notre quartier. Nous sommes obligés de parcourir un ou deux kilomètres pour chercher l’eau à la fontaine. C’est la souffrance. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités », a lancé un jeune de Gobongo dans le 4e arrondissement.
Le problème d’eau est également ressenti par les agriculteurs et les éleveurs avec des conséquences directes sur les produits agropastoraux. Les organisations de la société civile pensent que des efforts doivent être consentis par les autorités centrafricaines. Jean Jacques Urbain Mathamalé est le coordonnateur de l’ONG Centre pour l’information environnementale et le développement durable (CIEDD), « Nous ne pouvons pas enclencher un processus comme le DDR (Désarmement-démobilisation et réinsertion des ex-combattants) sans pour autant occulter les autres. L’eau est une denrée rare. Le changement climatique reste une préoccupation internationale. Le gouvernement centrafricain ne doit pas se focaliser sur un seul processus mais voir de manière globale toutes les préoccupations et mettre en place des priorités ».
Assèchement des cours d’eau
Un autre phénomène qui se greffe à celui d’accès à l’eau potable est le tarissement des cours d’eau. Pour illustration, le marigot »Ngou-Sica » qui coule le long des quartiers Sica 2 et 3 dans le 2e arrondissement, n’existe presque plus. Les anciens habitants du secteur le regrettent. Ils s’étonnent que ce cours d’eau soit devenu un simple canal d’eau de pluie couvert de hautes herbes.
L’assèchement des cours d’eau est confirmé par Igor Itaya, technicien supérieur des Eaux et Forêts, ressortissant de l’Institut supérieur de développement rural (ISDR). Il cite en exemple la source de « Bombolè » à 10 Km de Mbaïki dans la préfecture de la Lobaye au sud du pays. De plus de 5 mètres de profondeur par le passé, « Bombolè » n’atteint presque plus un (1) mètre.
« En 1990, la source de »Bombolè » avait une profondeur de 5 à 6 mètres. Aujourd’hui, la profondeur n’atteint pas 1 mètre, la source tarit », a expliqué le technicien.
Les origines du phénomène
Urbain Wilfried Gbazangoa Ndékéyombo, vice-coordonnateur de l’ONG Nouvel espace pour le partenariat et de développement en Centrafrique (Nepad-CA), rapproche le tarissement du niveau des eaux au phénomène de changement climatique.
« Le changement climatique a un effet direct sur l’eau. Une fois qu’il y a baisse du niveau des pluies, il y a baisse du niveau des cours d’eau et du coup, il y a un problème dans le pays », a-t-il démontré.
La complexité du problème d’accès à l’eau potable est lié à des paramètres dont l’inondation, vecteur de pollution des points d’eau consommés dans certains quartiers. Dans le sud de Bangui, une étude réalisée par l’ONG JPEC (Jeunesse pour la protection de l’environnement en Centrafrique), montre que les quartiers du 6e arrondissement sont déclarés inondables. Gildas Kékénda est chef d’équipe qui a enquêté sur ce phénomène.
« L’objet de l’étude est de faire voir à la communauté internationale le danger qui guette le 6e arrondissement. Car les trois quart des quartiers sont inondables. Les populations doivent se méfier en cette saison pluvieuse et surtout faire des efforts pour ne pas voir leurs maisons s’écrouler », a prévenu l’enquêteur.
Un début de solution
Peut être un début de solution aux problèmes d’accès à l’eau à Bangui. Deux forages manuels ont été remis officiellement le 1er juillet à la population du 7e arrondissement. Selon Jacques Médard Mboliaédas, ministre de l’Energie et de l’Hydraulique, c’est le résultat d’une collaboration entre le gouvernement centrafricain et l’Unicef, visant à augmenter le taux d’accès à l’eau potable dans le pays.
La remise de ces forages manuels marque le lancement officiel des activités du projet de forage manuel qui seront installés à Bangui et dans certaines villes du pays. Salé Backo, directeur général de l’ANEA (Agence nationale de l’eau et de l’assainissement), revient sur l’importance de cette action qui n’est qu’à son commencement.
« D’abord c’est la motricité humaine qui est utilisée pour le creusage du trou. Ce qui est utilisé pour ces techniques, ce sont des matériaux locaux qu’on peut trouver facilement et à moindre coût. Nous pensons qu’au travers de ces activités de creusage de forage manuel, nous aiderons la jeunesse à se développer ».
Des ingénieurs, venus du Laos (Asie du sud), forment déjà une quinzaine des stagiaires aux techniques d’installation des forages manuels. Malgré le caractère manuel et le moindre coût pour l’obtention de ces forages, ceux-ci présentent des limites. Ces pompes exigent un sol argileux et sableux, les zones de montagne étant exclues.
Pour Mohamed Fall, représentant pays de l’Unicef, de très bonnes choses peuvent se réaliser à partir de petits moyens.
« Les statistiques qu’on a données montrent qu’on est encore loin d’atteindre les objectifs pour 2015. Ce qu’on a voulu démontrer avec ce partenariat, c’est que même si on est encore loin des objectifs, on a aussi l’opportunité de faire de très grands bonds qualitatifs en utilisant des technologies qui sont très simples et accessibles pour tout le monde ».
Appui à la Société de distribution d’eau
Le Comité international de la croix rouge (CICR) a livré le 2 juillet, le dernier lot des produits et des pièces de rechange d’utilité diverse à la Sodéca. Ces matériels vont servir dans les domaines de la production de l’eau potable, le réseau d’alimentation en eau potable ainsi que des outils de laboratoire pour le traitement. Selon Elodie Bruder, responsable du département eau et habitat du CICR à Bangui, l’objectif est d’améliorer le taux d’accès à l’eau potable de la population de Bangui.
« L’eau est un besoin de base pour tous. (…) Ce projet s’intègre dans le processus d’améliorer l’accès à l’eau pour la population de Bangui. Les matériels qui sont livrés vont permettre à la Sodéca de réaliser la maintenance sur son réseau », a expliqué le responsable du département eau et habitat du CICR à Bangui.
Yves Yalanga, directeur technique de la Sodéca, en réceptionnant ces matériels, a affirmé que l’aide est salutaire.
« Ce que nous venons de recevoir du CICR est un apport très important pour la bonne desserte de l’eau dans la ville de Bangui. Nous avons reçu un important lot de matériel pour les analyses au niveau du laboratoire et du matériel pour réduire le temps des interventions sur le réseau ».
Si à Bangui l’objectif numéro 1 des OMD (objectif du millénaire pour le développement), prôné par le PNUD concernant l’accès à l’eau potable est loin d’être atteint, l’on s’indigne sur le sort réservé aux habitants des villes de provinces.
Bienvenu Gbélo