La ville de Bangassou dans le sud-est du pays est confrontée à une crise sécuritaire sans précédent. Conséquence des violents combats qui ont opposé les casques bleus marocains aux groupes d’auto-défense au mois de mai dernier. Sur cette route qui mène de l’aérodrome au centre commercial, distante de 8 km et surnommé « le boulevard de la mort », les stigmates de la crise sont encore perceptibles. « Des murs et des toitures fissurés, marques des impacts des balles tirés par les soldats de la paix sont perceptibles », selon un constat de RNL.
La population pointe du doigt, les casques bleus marocains de la Minusca qui n’hésitent pas à ouvrir le feu sur tout ce qui bouge.
« Les contingents marocains quand ils vont chercher de l’eau à la rivière Mbomou, ils font des tirs sur n’importe qui et considèrent tout le monde comme des autodéfenses », a déclaré Jourdain Ndinga, responsable de gestion des catastrophes de la Croix Rouge Centrafricaine (CRCA), du Mbomou. C’est ce qui selon lui, a poussé la population « à se réfugier aux champs alors que d’autres ont traversé le fleuve Mbari ».
Prise de position partagée par Basile Bagui, père de trois enfants et résident à Bangui-Ville, le plus grand quartier de Bangassou à mi-chemin de la route qui mène à l’aérodrome. Blessé au bras droit, il voit l’avenir de ses enfants hypothéqué. « Ils repartaient (soldats marocains), à la base à bord de leur char. Arrivé à la hauteur du marché, ils ont commencé à tirer. Pris de peur, je me suis plaqué à l’intérieur de la maison et, c’est de là que j’ai été atteint par une balle », a témoigné M. Bagui. Même si la Croix-Rouge était venue lui porter secours, il affirme avoir « perdu son bras droit », ajoutant que « mes enfants n’iront plus à l’école parce que je ne suis plus en mesure de m’occuper d’eux ».
Mais pour Mgr Juan Aguire, Évêque de Bangassou, un contingent plus neutre pourrait faire mieux que l’actuelle force en présence. « Je suis convaincu qu’une force de la Minusca qui n’est pas musulmane pourrait mieux servir d’intermédiaire entre les musulmans et non musulmans », plaide le prélat même s’il aimerait que les « bonnes choses qui ont été faites par la Minusca marocaine à Bangassou puissent l’être aussi sur le plan sécuritaire ». Ce vœu sera-t-il entendu ? En attendant, la cohabitation avec cette force reste difficile.
Lundi dernier, Stephen O’Brien, chef des affaires humanitaires de l’ONU en visite à Bangassou a souhaité que « ce cycle de violences prenne fin urgemment ». Il a par ailleurs déploré le fait que la « communauté musulmane de Bangassou ait été victime des attaques ». A ce jour, les deux communautés, musulmane et non musulmane, vivent toujours dans la hantise d’une nouvelle explosion de violence malgré la présence des forces internationales.
Le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, Stephen O’Brien, a conclu mardi dernier sa visite de trois jours en République centrafricaine (RCA) sur un appel lancé à la communauté internationale afin de maintenir son soutien et de prémunir le pays de la réédition de la crise dévastatrice à grande échelle qui l’a frappé à peine il y a quatre ans.
La détérioration continue de la situation a amené la communauté humanitaire à réviser son Plan de réponse humanitaire. Porté désormais à 497 millions de dollars, il n’est toujours financé qu’à hauteur de 24%, ce qui est bien inférieur à la moyenne mondiale de financement de 34%.