C’est une enquête exclusive de Radio Ndeke Luka qui le révèle. Au Centre de Santé des Castors, des dizaines d’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse » sont pratiquées entre janvier et février 2018 par l’équipe de l’ONG MSF Belgique. Pourtant interdite par la loi notamment l’article 78 du Code pénal centrafricain, cette pratique semble être érigée en règle. Déjà, certaines familles rencontrées par RNL s’en plaignent.
De quoi en est-il justement question ?
Il est 8H, lundi 15 février matin au centre de santé des Castors. Les patients font la queue devant les différents services. Derrière la maternité, une file de plus d’une vingtaine de jeunes filles se dresse devant un service géré par MSF Belgique. Celui-ci s’appelle en fait IVG, Interruption Volontaire des Grossesses.
Les procédures sont longues pour y avoir accès. Des jeunes filles dont l’âge varie entre 15 et 30 ans attendent à tour de rôle. Entretemps, à quelques mètres à l’intérieur de la salle, quelques unes se reposent dans les lits après l’évacuation du fœtus faite avec succès.
Selon certaines informations recueillies, MSF organise une série de formation sur cette pratique dans un Hôtel de Bangui. Toujours selon ces informations, MSF dispose des agents sensibilisateurs qui sont sur le terrain dans ce sens.
Interruption volontaire ou forcée ?
Selon les informations recueillies par RNL, la discrétion est le maître mot qui prime pour cette pratique. Certains témoins ont confirmé à RNL qu’après un rendez-vous calé avec l’équipe MSF, la concernée doit se présenter seule, sans compagnie et sans frais quelconque. D’autres témoignages rapportent que pour être évacuée, la grossesse doit atteindre 2 à 3 mois. Pourquoi un tel délai ?
Le gynécologue Rock Mbetid Dégana précise qu’en « Centrafrique, il n’y a aucune loi qui autorise une femme à se faire avorter ». Il considère que ceux qui soutiennent qu’on peut procéder à un avortement si la grossesse atteint tel ou tel nombre de mois sont « poursuivables ».
Très remonté, Dr Mbetid Dégana dénonce « l’incapacité » du ministère de la santé à « contrôler tout ce qui tourne autour de la santé » des Centrafricains.
» Laisser le temps à n’importe qui de venir chez nous faire du n’importe quoi est condamnable », rajoute le médecin qui reconnaît que tous les jours, sa structure reçoit des victimes des complications des IVG faites au niveau du centre de santé des Castors.
Il interpelle donc le gouvernement centrafricain sur cette pratique car selon lui, 60% des complications recensées suite aux avortements viennent de l’hôpital des Castors.
Implant de 5 ans
A cette pratique d’IVG s’ajoute celle de l’implant d’une durée de 5 ans qui, selon certains témoignages, sont automatiquement posés aux filles qui se font avortées. Une nouvelle qui surprend Pr Pascal Mbelesso de l’Ordre des Médecins Centrafricains. Pour lui, le conseil national de l’Ordre des Médecins « n’a pas encore instruit des services hospitaliers de procéder à ce genre de pratique à l’insu du département de la santé ».
Laquelle pratique est interdite par l’article 78 du code pénal centrafricain. Toutefois, la loi autorise l’avortement exceptionnellement si la grossesse « compromet gravement la vie de la mère » ou si la « conception a eu lieu par suite de viol, inceste » ou lorsque la « fille mineure enceinte se trouve dans un état de détresse grave ».
Contacté par RNL, Frédéric Lai Manantsoa, chef de mission de l’ONG MSF Belgique en RCA indique qu’au centre de santé des castors, sa structure fait plutôt ce qu’il qualifie « d’interruption thérapeutique de grossesse ». Ce qui selon lui signifie que » dans le cadre de la loi centrafricaine, que les services médicaux doivent être faits dans les centres de santé avec un suivi médical bien précis et des procédures médicales très claires « .