60 ans après la disparition de Barthélémy Boganda, les différents dirigeants qui se sont succédés à la magistrature suprême de l’Etat centrafricain n’ont pas totalement conjugué les cinq verbes légués par le père fondateur.
Les idéaux de Barthélémy Boganda ont-ils été capitalisés ? la réponse reste mitigée : oui et non. Xavier Mbémbélé, historien à l’Université de Bangui, reconnait l’importance et la profondeur de l’interrogation vu les réalités d’aujourd’hui.
« Les idéaux se fondent sur les cinq verbes du MESAN à savoir : Nourrir, Vêtir, Instruire, Soigner et Loger« , a rappelé Xavier Mbémbélé. Sur la capitalisation des concepts, il répond par « oui et non« . Selon l’historien « en 1949 dans le cadre de sa lutte politique, Barthélémy Boganda a créé un parti qui lui a permis d’asseoir son audience sur l’ensemble de l’Oubangui-Chari et gagner son combat politique face à l’administration coloniale et face à l’église« .
Pour justifier ses réponses (oui et non) Xavier Mbémbélé, reste sur des faits qui ont marqué les époques. Sur le oui, il explique qu’au « lendemain des indépendances des efforts ont été déployés par certains leaders politiques pour doter notre jeune République d’infrastructures socio-économiques en vue d’amorcer le développement » citant au passage « la création des écoles, des centres de santé ans oublier l’industrie centrafricaine de textile (UCATEX)« .
Xavier Mbémbélé précise que cette amorce n’a pas fait long feu. Et c’est là que l’historien répond par « non » quant à la conjugaison de ces verbes. Pour lui « au lendemain de la chute de l’empire en 1977 suivi de la restauration du multipartisme (1980-1981) par le Président David Dacko, c’est la descente aux enfers« .
L’historien estime qu’après la chute de l’ex-empereur Jean Bedel Bokassa, les Centrafricains « ont retrouvé la liberté à travers la démocratie qui les a amenés à fauter » expliquant qu’il y a eu « une certaine confusion entre la démocratie et le comportement des Centrafricains« . Cette situation a consacré la destruction de la plupart des industries, base du développement de la RCA.
Ne pouvant pas supporter cette descente aux enfers, le Président David Dacko a cédé le pouvoir au Général d’armée, André Kolingba, suite à un coup d’état. L’accalmie règne jusqu’à la création du parti politique « Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC) » dans un contexte de grogne d’après M. Mbémbélé.
Après le sommet franco-africain de la Bolle de 1989 et de 1990 à 1991, un vent politique a soufflé sur l’Afrique amenant certains Etats africains comme la RCA a demandé la Conférence Nationale Souveraine. Et c’est la naissance du multipartisme qui a conduit à la prolifération des partis politiques.
Au regard de la pluralité de ces partis politiques, le décollage politique et économique de la RCA a eu du plomb dans l’aile. Aujourd’hui, le pays qui n’est pas totalement sortie d’une situation de crise, connait véritablement des problèmes.
La question principale : qu’avons-nous fait de l’héritage de Barthélémy Boganda ? Le père fondateur a laissé un pays : la République Centrafricaine, un drapeau avec sa devise ainsi qu’un hymne national (la Renaissance).
Mais l’analyse des dernières crises militaro-politiques montrent à suffisance qu’il y a problème. Pour qu’un pays puisse se développer, il faudrait qu’il y ait la paix. Sans la paix, on ne peut rien entreprendre.