Malgré le vœu des autorités centrafricaines pour la levée totale de l’embargo sur les armes à destination de la République centrafricaine, la mesure a été reconduite, ce 27 juillet 2023, jusqu’au 31 juillet 2024 par le Conseil de sécurité de l’Onu. Une reconduction suivie d’un régime d’assouplissement.
La nouvelle décision prise par le Conseil de sécurité de l’Onu reconduit pour la énième fois le régime de sanctions s’appliquant en République centrafricaine (RCA), tout en décidant que l’embargo sur les armes qui en fait partie continuera de ne pas s’appliquer à la fourniture, à la vente ou au transfert d’armes et de matériel connexe aux forces de sécurité centrafricaines. Une décision qui contraste avec les attentes des autorités et du peuple centrafricain.
Le Conseil de sécurité se dit préoccupé par la situation humanitaire en République centrafricaine et par le conflit éclaté au Soudan voisin avec des incidences humanitaire et sécuritaire. Prenant note de la demande de levée de l’embargo sur les armes formulée par les autorités centrafricaines et prenant note également des positions exprimées par les organisations régionales et sous‑régionales africaines dans le cadre de leur soutien au processus de paix, le Conseil décide : « Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, décide que les mesures d’embargo sur les armes imposées dans la résolution 2127 (2013) et les prescriptions en matière de notification énoncées au paragraphe 1 de la résolution 2648 (2022) ne s’appliquent plus à la fourniture, à la vente ou au transfert d’armes et de matériel connexe ni à la fourniture d’une assistance ou de services de conseil ou de formation aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre », a décidé le Conseil de sécurité.
Il est également décidé que : « toutes les autres dispositions énoncées au paragraphe 1 de la résolution 2648 (2022) continuent de s’appliquer jusqu’au 31 juillet 2024, et qu’en outre, il incombe au premier chef à l’État Membre fournisseur ou à l’organisation internationale, régionale ou sous-régionale fournisseuse de notifier le Comité et que cette notification doit être donnée préalablement à la livraison d’articles ou à la fourniture d’une assistance … ». Par la même occasion, le mandat du groupe d’experts du comité de suivi est prorogé jusqu’au 31 août 2024. Il devra produire un rapport à mi-parcours d’ici au 31 janvier 2024, et un rapport final d’ici au 15 juin 2024.
Bangui dénonce une politique de deux poids, deux mesures
Même si le texte prévoit un nouveau régime d’assouplissement, Bangui considère qu’il s’agit d’un « véritable affront ». La ministre centrafricaine des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo Temon, a dénoncé un texte « confus, qui ignore la réalité centrafricaine ».
« Le texte adopté aujourd’hui constitue un véritable affront pour la République centrafricaine, qui ne correspond pas à un groupe armé… Qui plus est, cette résolution continue d’être intitulée « Embargo sur les armes en République centrafricaine, alors qu’elle devrait plutôt s’appeler « Embargo sur les groupes armés ». Pourquoi l’appel de détresse du Gouvernement centrafricain face à l’agression de rebelles étrangers n’a pas eu le même écho que celui de l’Ukraine », s’est demandé Sylvie Baïpo Temon.
Dénonçant une politique de « deux poids, deux mesures dont est victime la République centrafricaine du fait des blocs imposés par les puissances », la cheffe de la diplomatie centrafricaine a considéré « qu’il est temps de réfléchir à une nouvelle organisation plus crédible au sein de laquelle les droits de tous seront respectés ».
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Pour sa part, le représentant de la Fédération de Russie considère que l’embargo n’a, cependant, pas empêché l’approvisionnement des groupes armés en armes, ce qu’ils font depuis 10 ans. Pour la Russie, et au regard de la situation sécuritaire en République centrafricaine, le Conseil de sécurité aurait dû décider de lever toute forme de sanctions contre les efforts d’un État souverain pour stabiliser et assurer sa sécurité.
Régimes de sanctions comme leviers de pression politique
« Au cours des négociations de ce document, nous avons clairement exposé notre position selon laquelle le Conseil de sécurité doit enfin répondre aux demandes répétées et absolument justifiées du gouvernement centrafricain de lever l’embargo sur les armes, demande qui bénéficie également d’un large soutien dans la société centrafricaine. En effet, l’embargo entrave les efforts de Bangui pour lutter contre les milices illégales, tout en n’ayant aucune valeur ajoutée pour contrecarrer la fourniture d’armes aux miliciens, qu’ils n’ont cessé de recevoir tout au long des dix ans d’existence du régime de sanctions. Le maintien des restrictions ne résoudra en rien ce problème », a affirmé Dmitry A. Polyanskiy, représentant de la Fédération de Russie.
M.Polyanskiy a poursuivi : « il est clair que la délégation porte-plume, comme un certain nombre d’autres membres du Conseil de sécurité, a fait preuve de cynisme. Ce n’est un secret pour personne que les régimes de sanctions sont utilisés par certains États comme des leviers de pression politique sous l’égide de l’ONU », a-t-il allégué.
Le Royaume-Uni a en revanche insisté sur le fait que l’exigence en matière de notifications est importante pour contrôler les flux d’armes à travers le pays, lesquels profitent aux mercenaires du groupe Wagner, auteurs de véritables atrocités avérées en RCA. La délégation britannique a encouragé le Gouvernement centrafricain à redoubler d’efforts en matière de réforme du secteur de la sécurité et de gestion des armes et des munitions.
De leur côté, les Etats-Unis se sont félicités de la prorogation du mandat du Groupe d’experts sur la République centrafricaine en ce qui concerne l’embargo sur les armes, les interdictions de voyage et le gel des avoirs. « Les mesures prévues dans cette résolution sont essentielles à la promotion de la paix et de la stabilité dans ce pays et dans l’ensemble de la région », a déclaré Robert Wood, représentant américain.
En dépit d’un vote de 13 voix pour contre deux (2) abstentions, notamment la Russie et la Chine, le Conseil s’est dit particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles des réseaux transnationaux de trafiquants continuent de financer et d’approvisionner les groupes armés en République centrafricaine. Il a noté en particulier l’emploi de plus en plus fréquent d’engins explosifs improvisés et de mines terrestres. Il demande au Groupe d’experts de prêter une attention particulière à l’analyse de ces réseaux et des menaces liées aux engins explosifs.
L’embargo sur les armes à destination de la République Centrafrique a été imposé par le Conseil de sécurité de l’Onu au fort de la crise politico-sécuritaire de 2013. Au fil des années, la sanction enregistre de nouveaux régimes.
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