S’agit-il d’une simple éclaircie ? Est-ce un feu de paille ? Ou alors un signal fort envoyé à des destinataires qui sauront le décrypter ? Le président centrafricain a posé récemment plusieurs actes dont on attend de savoir s’il s’agit de la poudre jeté aux yeux des observateurs, des partenaires et surtout de l’opinion.
Le maire de Bangui, ami et compagnon de la première heure, Jean Barkès Gombe-Ketté a été remplacé. Le capitaine Eugène Ngaikoisset, surnommé le « boucher de Paoua » (ville du nord-ouest de la Centrafrique) par l’opposition, a été dégradé au rang de lieutenant. Le directeur de la presse présidentielle, Javon Papa Zama, s’est retrouvé, jeudi 8 juillet 2011, à la célèbre SRI (service de recherche et d’investigation) de la gendarmerie.Tous ces trois personnages ont un dénominateur commun en 3D. Ce sont tous des proches du chef de l’Etat centrafricain. On leur reproche des indélicatesses et enfin, ils sont tous en disgrâce sur instructions personnelles de leur mentor supposé.
L’ex maire de Bangui n’a pas été élu mais nommé président de la délégation spéciale par le président centrafricain depuis l’accession au pouvoir de François Bozizé au pouvoir en 2003 par un coup d’Etat. Remplacé par le directeur financier de la mairie Nazaire Guénéfé Yalanga, M. Gombe-Ketté a affirmé qu’il quittait son poste de manière volontaire: « Je travaille depuis 7 ans à la tête de la municipalité. Je me sens fatigué, je veux prendre un peu de repos. Je reste à la disposition du chef de l’Etat s’il veut faire appel à moi ». Toutefois, plusieurs sources proches de la présidence affirment que M. Gombe-Ketté a bel et bien été « limogé ».
Quoiqu’il en soit, la nouvelle du départ du maire Ngombé Ketté après avoir dirigé pendant 8 ans, l’équipe municipale a surpris plus d’un à Bangui. Que s’est-il donc passé ?
On rappellera qu’au début du mois de juin 2011, le tout nouveau ministre de l’administration du territoire, le Pasteur Josué Binoua, à l’occasion d’une visite de prise de contact à la Mairie de Bangui, avait ouvertement accusé le maître des lieux, de se livrer à une « gestion opaque » et indiqué qu’il mettrait fin à ce qu’il qualifiait de « dérives ». Ngombé Ketté était depuis lors sur une pente glissante.
Plusieurs observateurs à Bangui sont convaincus que le Pasteur Binoua, un autre proche du président centrafricain, n’aurait jamais « défié » ainsi l’ex-maire, sans le feu vert du locatoire du Palais de la Renaissance. Pour eux, les propos surprenants tenus par le ministre dans l’enceinte même de la Mairie, marquaient le début de « la mise à mort » du tout-puissant maître des lieux.
Quant au capitaine Eugène Ngaïkoisset, compagnon d’armes du chef de l’Etat centrafricain et « libérateur », il a été mis aux arrêts de rigueur sur instruction du président François Bozizé. L’intéressé a rendu visite à Radio Ndeke Luka pour démentir les rumeurs sur sa prétendue évasion et expliqué qu’il avait décidé de rentrer chez lui quand, le mercredi 6 juillet 2011, il a entendu lire sur les ondes de la radio nationale, un décret présidentiel qui le rétrogradait au grade de sous-lieutenant. Il refusait une double sanction : être mis aux arrêts et rétrogradé.
L’ex-capitaine aurait giflé un élément de l’armée française, suite à un banal accident de la circulation sur l’avenue des Martyrs à Bangui. Eugène Ngaikoisset est aujourd’hui l’un des éléments de la garde présidentielle les plus réputés du pays. Il est surnommé le « boucher de Paoua » par l’opposition en raison de son action contre les rébellions dans le nord-ouest du pays, près de Paoua, la région natale de l’ancien président Ange-Felix Patassé, décédé cette année et que le président Bozizé avait renversé en 2003.
Quid du journaliste Javon Papa Zama, directeur de la presse présidentielle ? Il s’est retrouvé à la SRI sur instructions expresses du président Bozizé. Ce dernier, furieux, venait découvrir une indélicatesse de son collaborateur. Alors que ce dernier était chargé de remettre à « Sendagui Musica » l’orchestre des étudiants de l’Université de Bangui, une enveloppe contenant 5 millions de francs CFA ( environ 7600 euros) suite à une promesse faite pour aider à l’achat d’instruments neufs, l’émissaire a perdu en chemin, selon plusieurs témoignages, 1.500.000 frs (environ 2300 euros).
Il faut rappeler que Javon Papa Zama est ce journaliste (d’aucuns disent griot le concernant) présentateur de cette émission de la radio nationale tant décriée « Yé so i lingbi ti inga, ce que vous devez savoir ». Il s’agit d’une émission de propagande indigne d’une vraie démocratie. On y entend souvent des propos discourtois et même des injures. Les nombreuses protestations venant parfois de certains cercles du pouvoir, les interpellations du HCC (Haut Conseil de la Communication) n’ont jamais réussi à obtenir qu’elle respecte les règles, encore moins qu’elle soit supprimée.
C’est le quotidien La Fraternité qui décrit sans doute le mieux ce thuriféraire du régime. Dans son édition du 13 juillet 2011, le journal le présente comme « le plus boziziste de tous les bozizistes, l’un des plus aimés et des plus respectés de tous les courtisans du Palais présidentiel. » Que ce soit à présent ce « griot du président » qui est ainsi laché, gardé à vue comme un malfrat à la gendarmerie, contraint de rembourser une somme détournée pour recouvrer la liberté donne à réfléchir. Continuera-t-il par ailleurs à dénoncer sur les ondes, les corrompus, les voleurs, les pilleurs, les malhonnêtes, les menteurs, les détourneurs… Bref « les voyous de la République » qu’il dénonce.
Dans son discours d’investiture prononcé le 15 mars 2011 après sa victoire au premier tour des élections du 23 janvier dernier, le président Bozizé déclarait à la face du monde : « la récréation est terminée ». Ces différentes situations décrites et les actes posés par le chef de l’Etat centrafricain sont-ils pour autant annonciateurs d’une vraie fin de récréation ?