À 24 heures du vote des députés sur le projet de loi concernant « les agents étrangers », la société civile dénonce un texte qu’elle juge « dangereux pour la vie associative ». Porté par le ministre de l’Administration du territoire, ce projet vise à permettre au gouvernement de contrôler les financements reçus par des personnes physiques et morales, en particulier les ONG.
Cette nouvelle loi, dont le vote est prévu ce 25 octobre à l’Assemblée nationale, ne concerne pas les partis politiques, les structures étatiques et les confessions religieuses. Le projet, porté par le gouvernement, stipule en son article 5: « l’influence doit être suffisamment importante pour compromettre l’indépendance ou l’objectivité de l’individu ou de l’entité concernée. Elle doit aussi être liée à une activité ou à des intérêts susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale ou aux intérêts fondamentaux du pays ».
D’ores et déjà, les acteurs de la société civile y voient l’influence de la Russie et appellent à son retrait. Pour l’avocat Bruno Hyacinthe Gbiegbia, coordonnateur du Réseau des organisations de la société civile pour les droits de l’Homme, ce projet de loi est une « atteinte à la démocratie ».
L’ombre de la Russie redoutée
« Nous avons rejeté ce projet de loi car il s’agit d’un copier-coller de la loi russe votée en 2012. Les Russes, ayant une influence sur les autorités, cherchent à imposer ce même comportement à toutes les organisations en République centrafricaine. Cela vise à enfermer toutes les associations, mettant ainsi en péril la vie associative et la démocratie dans le pays. La démocratie commence dans les associations ; sans elles, il n’y a pas de démocratie. Ce projet de loi sur les agents étrangers est dangereux, car il implique que toute organisation recevant des financements extérieurs est considérée comme une espionne », s’alarme-t-il.
« Nous devons protéger notre nation »
Le ministre porte-parole du gouvernement, Maxime Balalou, interrogé sur cette question, adopte une posture nuancée. Il souligne que le gouvernement doit surveiller attentivement les flux de financement des différentes organisations, qu’elles soient nationales ou internationales.
« Nous avons plusieurs échanges en cours pour bien comprendre le sens de ce projet de loi, car certains en font une spéculation. Il ne concerne pas uniquement les étrangers, un Centrafricain peut aussi être considéré comme tel s’il est financé par des ressources extérieures. Il est essentiel de savoir comment ces fonds seront utilisés, mais cela ne doit pas servir à déstabiliser le pays. Les réflexions continuent, car nous devons protéger notre nation. Nous constatons qu’il y a des étrangers dans certaines ONG qui agissent comme des relais, ainsi que des anciens militaires recyclés qui cherchent à déstabiliser le pays », temporise le membre du gouvernement.
Cette loi divise déjà avant qu’elle ne soit votée par les députés. Alors que le gouvernement ne finance pas les ONG, son approche à travers ce dispositif juridique est scrutée de près et donne un nouveau cliché au pays en matière des ONG et de la gouvernance.
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