En décembre, il a formé à Bangui les casques-bleus de la Minusca sur les enjeux de la désinformation et comment ce fléau peut impacter négativement les efforts de la paix. André Michel Essungu, conseiller politique à l’ONU et spécialiste des questions de la désinformation, s’entretient avec la cellule StopATènè de Radio Ndeke Luka après son retour au Congo.
Qu’est-ce qui justifie votre formation à l’intention des casques-bleus de la Minusca ?
« Cette formation revêt une importance cruciale dans le contexte actuel, où la désinformation constitue un défi majeur, tant pour les citoyens du monde que pour les officiers de maintien de la paix, tels que les casques-bleus. En effet, la désinformation engendre une confusion significative quant à la mission des casques-bleus dans des pays comme la République centrafricaine et ailleurs, compromettant ainsi leurs efforts à accompagner des nations en quête de stabilité. De plus, cette situation met en péril la sécurité même de ces intervenants. Il est donc essentiel de les sensibiliser aux mécanismes de la désinformation, à ses origines et à sa propagation, tout en soulignant l’importance des efforts nécessaires pour contrer ce phénomène. »
Selon vous quelles peuvent être les répercussions de la désinformation sur une institution telle que la Minusca, et quelle stratégie faut-il pour contrer ce phénomène ?
« La désinformation constitue un obstacle majeur à l’accomplissement des missions essentielles de la Minusca, entravant son soutien aux populations et aux autorités locales. Elle nuit particulièrement à la confiance établie entre les casques-bleus et ces acteurs, rendant difficile toute avancée vers une résolution des situations critiques. Ainsi, la reconstruction et la préservation de cette confiance s’avèrent indispensables pour permettre une coopération efficace. Conscients de cette problématique, les pays membres de la Cemac prennent la question de la désinformation très au sérieux, comme en témoigne la récente réunion des ministres de l’information à Bangui, visant à élaborer des stratégies communes pour y faire face. »
Existe-t-il des synergies entre l’Onu et les organisations sous régionales dans le cadre de la lutte contre la désinformation ?
« Il existe des synergies notables entre les Nations-Unies et les États membres, notamment ceux de la Cemac, grâce aux ressources et au soutien offerts par le secrétariat des Nations-Unies et le département des opérations de maintien de la paix. Il est essentiel que des organisations sous régionales comme la Cemac s’attaquent à la désinformation, un problème global ayant des manifestations et conséquences variées selon les contextes locaux, en particulier dans les sociétés en quête de stabilité. Les impacts de la désinformation sur des événements électoraux dans ces pays peuvent engendrer des tensions et un potentiel de violence plus élevé que dans d’autres régions. La récente initiative des ministres de ces États pour aborder cette question est donc encourageante et souligne l’engagement nécessaire pour résoudre ce problème, avec le soutien continu des Nations Unies. »
La République Centrafricaine se prépare à tenir des élections locales. Dans ce cadre, quelles sont les implications de la désinformation sur la participation civique des citoyens, et quelles stratégies peuvent être mises en œuvre pour promouvoir un vote éclairé ?
« En République centrafricaine, la désinformation, accessible à divers acteurs, risque d’influencer le processus électoral en trompant les électeurs sur des aspects cruciaux tels que les lieux et dates de vote, ainsi qu’en répandant des mensonges sur les candidats via les médias sociaux. Ce phénomène, qui s’intensifie à l’échelle mondiale, nécessite une réponse proactive de la part des institutions électorales, des ONG et des partenaires internationaux. Il est essentiel de développer des stratégies d’éducation des électeurs et de protection du processus électoral avant, pendant et après les élections. Bien que ces initiatives ne puissent éliminer la désinformation, elles peuvent en atténuer l’impact, comme l’ont démontré des exemples réussis dans d’autres contextes. La République centrafricaine pourrait bénéficier de telles mesures avec le soutien approprié de la Minusca et des autorités compétentes. »
Quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour renforcer la confiance des citoyens envers les institutions dans un contexte de désinformation ?
« Pour renforcer la confiance des citoyens envers les institutions, deux mesures essentielles peuvent être envisagées : la transparence et la responsabilisation. La transparence est cruciale, car dans un contexte mondial où la confiance envers les institutions est en déclin, une communication claire et ouverte des actions des autorités peut améliorer cette confiance. Parallèlement, la responsabilisation des responsables institutionnels est également fondamentale lorsqu’ils rendent compte de leurs décisions et de leurs actions, cela contribue à instaurer un climat de confiance durable au sein de la société. »
Quelles sont les meilleures pratiques observées dans d’autres pays pour lutter contre la désinformation, et comment pourraient-elles être adaptées au contexte de la République centrafricaine ?
« Dans la lutte contre la désinformation, il est essentiel de reconnaître qu’aucun pays n’atteint une réussite parfaite. La préparation en amont est cruciale : les institutions, comme la Minusca, doivent anticiper les attaques potentielles liées à des événements spécifiques. Cela implique d’être transparent et de communiquer clairement sur leurs actions. En cas d’attaque, une réaction rapide est nécessaire pour contrer les mensonges et les informations erronées. Enfin, il est important d’analyser après coup les facteurs qui ont permis l’émergence de la désinformation afin d’améliorer les stratégies futures. »
Vous adressez quel message à la population centrafricaine concernant la désinformation ?
« Le message essentiel à transmettre est que la confiance dans l’information est fondamentale pour bâtir des fondations solides. Combattre la désinformation n’est pas seulement un service rendu à la Minusca ou aux autorités, mais avant tout un acte de responsabilité individuelle. C’est un travail d’hygiène, comparable à se laver les mains ou se brosser les dents. Sans une information véridique et représentative de notre réalité, il devient difficile de prendre des décisions éclairées, tant sur le plan individuel que collectif. Ainsi, lutter contre la désinformation est une nécessité urgente pour garantir une vie digne et significative. »
StopATènè, la cellule qui lutte contre la désinformation et les messages de haine en RCA.