« Des villages ont été détruits et pillés, y compris des centres médicaux ». Les gens sont dépourvus de tout et ne possèdent que les vêtements qu’ils portent sur eux. Ils sont dans l’incapacité de retourner à leurs champs et ont donc un besoin urgent de nourriture et de biens de première nécessité ». Pablo Marco, chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) en RCA ne cache pas son amertume. Il s’est confié ainsi à l’Agence Irin, le service de nouvelles et d’analyses humanitaires des Nations Unies. L’opération militaire menée contre le mouvement rebelle du tchadien Baba Laddé basé dans la région du Bamingui-Bangoran (centre-nord de la RCA) a entraîné des déplacements supplémentaires de population.
Après Bria et Kaga Bandoro, les humanitaires se doivent se pencher à présent sur la situation tout aussi désastreuse qui prévaut dans cette région, notamment à Ndélé et ses environs. Dans cette ville de la Centrafrique, les milliers de personnes qui, après des années de déplacement, ont retrouvé leurs maisons, vivent dans des conditions difficiles alors que la situation sécuritaire demeure précaire.
Entre 2009 et 2011, Ndélé a été le théâtre de combats entre les troupes gouvernementales et des groupes rebelles armés. Ces affrontements ont provoqué le départ de milliers de personnes. « Nous sommes partis dans le bush en raison des combats entre la CPJP [Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix] et les FACA [les Forces armées centrafricaines] », a dit à IRIN un infirmier du village de Zoukoutouniala, situé à la périphérie de la ville de Ndélé. « Dans le bush, la vie était très difficile, nous n’avions rien à manger, pas d’eau potable, nous étions malades … c’était vraiment difficile. Nous sommes revenus au village après la signature de l’accord de cessez-le-feu ».
Cet infirmier fait partie des quelque 2 000 retournés qui vivent dans les villages de Gozbeida et Zoukoutaniala, à 25 km et 30 km de Ndélé respectivement, le long de l’axe Ndélé/Garba.
La vie est meilleure dans le village que dans le bush, mais les retournés ont des difficultés à assurer leurs moyens de subsistance, a dit l’infirmier. « Les gens n’ont pas assez de nourriture », a-t-il dit, notant qu’ils n’ont pas pu travailler dans leurs champs ces trois dernières années.
Les habitants ne disposent que d’un puits situé à distance des deux villages. Le manque de matériaux de construction constitue un autre problème ; les maisons ont été brûlées lors des conflits.
Lors d’une récente visite dans la région, John Ging, le Directeur de la Division réponse et coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), a dit que les besoins d’aide humanitaire étaient immenses.
« Ici, à Ndélé, j’ai rencontré … une population qui souffre terriblement bien sûr et qui subit ce que nos partenaires européens d’ECHO [Office d’aide humanitaire de la Commission européenne] ont qualifié de seconde crise chronique la plus grave dans le monde après la Somalie et cela se traduit par le fait que des milliers, des dizaines de milliers d’êtres humains se retrouvent sans soins de santé de base, sans eau, sans installation sanitaire et sans moyen de subsistance, car ils sont déplacés depuis tellement d’années qu’ils ont tout perdu pendant les périodes de conflit ».
Ndélé et ses environs restent fortement militarisés. Alors que la CPJP et un ancien autre groupe armé, l’Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement (UFDR), ont signé un accord de cessez-le-feu le 10 novembre 2011, mettant ainsi fin aux affrontements et aux attaques sporadiques, le désarmement inachevé de ces groupes rebelles soulève des inquiétudes.
Les tensions entre la CPJP et l’UFDR, qui se composent principalement des groupes ethniques Rounga et Goula respectivement, perdurent avec des conflits sporadiques. La CPJP contrôle un tronçon de 25 km de la ville principale de Ndélé jusqu’à la frontière tchadienne le long de l’axe Ndélé/Garba, tandis que l’UFDR contrôle 7 à 18 km de ce même tronçon. Une autre route menant à la frontière tchadienne est sous le contrôle de la CPJP. Ces deux routes sont longtemps restées fermées aux organisations humanitaires.
Outre la menace représentée par les groupes rebelles armés, les difficultés liées à l’accès humanitaire dans la RCA incluent le banditisme, la mauvaise qualité des routes et les restrictions imposées par l’État centrafricain.
« Un défi historique pour les humanitaires en République centrafricaine a eu lieu entre janvier 2011 et février 2012, lorsque l’État a restreint l’accès aux organisations internationales pour une période allant de quelques jours à plusieurs mois », indique un rapport de l’OCHA daté de février 2012.
Selon le responsable de la région, qui est également un colonel des FACA, la paix renaît progressivement à Ndélé. « Les accords de paix sont respectés par les deux camps ». Les FACA contrôlent le centre de Ndélé et font tampon entre la CPJP et l’UFDR.
« La criminalité et le banditisme continuent de toucher une grande partie de la moitié nord du pays … où l’État est absent et la prolifération des armes augmente », note le dernier Appel consolidé pour la RCA, qui requérait 134 millions de dollars (environ 5 milliards 360 millions de francs CFA) pour venir en aide aux populations vulnérables du pays.