Les événements survenus à Bangui, qui datent du 5 décembre 2013, continuent de remuer les populations. Des milliers de personnes ont du se déplacer ce dimanche. Ces personnes se disent confrontées à des difficultés de divers ordres lors de ces déplacements, ainsi que dans les différents camps de réfugiés où les conditions sanitaires sont souvent déplorables. A titre d’exemple, l’évêque émérite de Bossangoa, François-Xavier Yombandjé, habitant au Pk16 route de Boali dans la commune de Bimbo, se retrouve pour le moment au Centre Jean XXIII situé à Sica2 dans le 2ème arrondissement de Bangui. La traversée de la ville de Bangui en cette période n’est pas facile, « J’ai été visité trois fois dans la même nuit par des gens que je connais plus ou moins avec de fortes menaces de mort. Le matin, j’ai donc décidé de partir. J’ai quitté les « 100 logements » vers 11 heures pour arriver au Centre Jean XXIII vers 18 heures. J’ai marché car il n’y avait ni taxi, ni bus, ni taxi-moto. J’étais accompagné d’une dame qui avait trois enfants. Je l’ai aidée à faire marcher les tout-petits. Je suis arrivé fatigué, les pieds enflés. Dans la cour, il y a beaucoup d’enfants, des femmes et quelques hommes qui vont et viennent. La situation est assez précaire. Je vois surtout la détresse des enfants mais c’est dans les yeux des parents que je vois la grande détresse. J’imagine que dans les autres sites ou les gens sont plus nombreux, la situation doit être plus terrible pour la population de Bangui » explique le prélat.
François-Xavier Yombandjé appelle les centrafricains à espérer en des moments meilleurs, « Je dirai au peuple d’accepter de porter cette souffrance en espérant qu’un jour, elles finissent pour le bien de tous, pour les victimes comme pour les bourreaux. Donner l’aval au peuple de revenir à la normale dans la paix, la concorde nationale, la cohésion sociale, dans le respect des uns et des autres, dans leur personne et dans leur bien. 2013 a été dure pour nous tous, si 2014 devient une année nouvelle où nous recommencerons à zéro en assumant nos responsabilités, en permettant que le centrafricain redevienne digne chez lui, qu’il se sente chez lui, qu’il vive chez lui, qu’il voit son avenir ouvert et non fermé, que la population retrouve la paix, la sérénité, la prospérité, ce serait le grand souhait de tous ».
Par ailleurs à la sortie nord de Bangui, des tirs d’armes lourdes et légères ont été encore entendus du dimanche soir au lundi matin. Selon un habitant de Pk10 joint par RNL, il s’agirait d’une attaque des milices « anti-balaka » contre une position des ex-combattants rebelles de la Séléka basés au Pk11. La même source a indiqué que les membres de cette ancienne coalition rebelle auraient mené dans la nuit de dimanche à lundi, un braquage dans le secteur, mais ils se seraient heurtés à une contre offensive des milices « anti-balaka ». Cette situation a aussitôt créé la psychose au sein des habitants de ces quartiers, mêmes ceux du Pk13. La majorité d’entre eux a donc fui la zone sous tension, pour se réfugier sur les sites des déplacés internes, notamment à la Paroisse Saint Charles Louanga et au Centre Don Bosco.
En vue de rassurer les populations, les militaires français de l’opération Sangaris sont déployés sur place et un hélicoptère de combat survole le secteur. Cependant la population craint encore pour sa sécurité, car ce sont les éléments de Séléka qui contrôlent les quartiers alors que les forces internationales sont déployées simplement aux abords de l’avenue de l’Indépendance.
Situation similaire à Bimbo dans la Commune de Bégoua, où une situation de panique généralisée a été observée ce dimanche soir. Les populations ont fui le secteur suite à l’alerte de la progression sur l’axe Mbaïki, des milices « anti-balaka », qui ont investi Bangui depuis le 5 décembre dernier. Selon un habitant de Bimbo joint lundi matin par RNL, les populations se sont dirigées vers le centre de la capitale centrafricaine. Certains ont par contre traversé le fleuve Oubangui pour se refugier au Congo Démocratique. Ce Lundi, la ville de Bimbo s’est vidée de ses habitants.
Face à la dégradation de la situation politique et sécuritaire que traverse la RCA, les partis politiques interviennent. Lors d’un point de presse animé ce dimanche par deux partis politiques, le Parti de l’Unité Nationale (PUN) et le Forum Démocratique pour la Modernité (FODEM), les médias internationaux et nationaux ont été édifiés sur ce qui prévaut en RCA. Les échanges se sont déroulés dans la salle de conférence du National Hôtel à Bangui. Selon Léa Koyassoum Doumta, présidente par intérim du Parti de l’Unité Nationale (PUN), les transitions à répétition prouve que la gouvernance en Centrafrique pose problème, « Ce n’est pas normal car la gouvernance a posé problème à plusieurs niveaux et à plusieurs reprises. Cette transition devait nous permettre de voir quels sont les vrais problèmes qui nous conduisent à ces coups d’état et également nous mettre ensemble pour faire des propositions concrètes. Il n’est pas question qu’un petit groupe se retrouve pour penser seul à la place de tous les centrafricains. Nous interpellons chaque centrafricain pour qu’il apporte sa contribution à la réussite de cette transition. Nous estimons que la transition actuelle dispose d’une charte et doit la respecter pour s’en sortir. Les responsables de la transition ont signé un pacte républicain. Ils s’engagent à conduire le peuple dans la paix, la réconciliation, et vers des élections démocratiques et transparence ».
Par ailleurs, Léa Koyassoum Doumta, lance un appel au peuple centrafricain pour que l’année 2014 soit une année de paix, de réconciliation, où les centrafricains acceptent de vivre ensemble.
De son côté, l’ancien député centrafricain et candidat à la présidentielle de 2011, Emile Gros-Raymond Nakombo appelle la communauté internationale à mettre encore un plus la main à la poche pour sauver la vie des personnes déplacées internes à Bangui. Il pense que la situation humanitaire se dégrade de plus en plus dans le pays, et cela nécessite un appui considérable de la communauté internationale. « J’ai visité les sites, j’ai visité les déplacés et j’ai touché du doigt leurs souffrances, leurs misères. Je demanderais à la communauté internationale d’augmenter son enveloppe humanitaire pour que les centrafricains soient soutenus sur le plan alimentaire et médical. Déjà à Noël, combien d’enfants n’ont pas mangé ? C’est le sens fort de mon appel à la communauté internationale ».
Emile Gros-Raymond Nakombo estime qu’il n’y a pas de conflit intercommunautaire en République Centrafricaine. Il appelle les médias nationaux et internationaux à bannir ce terme de « conflit interreligieux » dans la diffusion de leurs informations. « Je suis chaque fois peiné de voir et d’entendre la presse internationale et une partie de la presse nationale s’appesantir sur un soi-disant conflit intercommunautaire. Je voudrais lancer un appel aux médias internationaux et nationaux et dire qu’il n’y a pas de problèmes entre les communautés. Le fait d’en parler sur les ondes ne va qu’amener les gens vers ce qu’ils veulent, cette guerre intercommunautaire. Elle n’existe pas. Nous avons des gens incontrôlés de part et d’autre, ce qu’il faut faire c’est de les dénoncer, les maîtriser, les poursuivre et les mettre hors d’état de nuire » a-t-il souligné.
Ce Mercredi, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian entame une nouvelle visite de travail en Afrique. Il se rendra au Mali, au Niger et au Tchad. La crise en Centrafrique, où les affrontements entre factions ont encore fait plusieurs dizaines de morts ces derniers jours malgré la présence de 1.600 militaires français, sera au centre des échanges entre M. Le Drian et le président tchadien, Idriss Deby Itno.