Le procès de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, accusé de crimes de guerre, principalement des viols, commis par ses troupes en Centrafrique, s’est ouvert lundi 22 novembre dans l’après-midi devant la Cour pénale internationale à La Haye.
Dés l’ouverture, lecture a été faite de la déclaration liminaire de l’accusation. Celle-ci a présenté un résumé des charges pesant contre Jean-Pierre Bemba. Ce dernier plaide non coupable. L’opposant congolais, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2006 en République démocratique du Congo (RDC), est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, à savoir des viols, pillages et meurtres, commis en 2002 et 2003 en Centrafrique par sa milice du Mouvement de libération du Congo (MLC).
Quelque 1500 hommes du MLC avaient franchi en octobre 2002 le fleuve Oubangui, frontière naturelle entre la RDC et la Centrafrique pour venir en aide au président centrafricain Ange-Félix Patassé, victime d’une tentative de coup d’Etat menée par le général François Bozizé. Cinq mois durant, jusqu’en mars 2003, ils ont, selon l’accusation, violé femmes, hommes, enfants et vieillards, pillé et tué ceux qui opposaient une résistance.
L’accusation affirme dans le document de notification des charges que « les troupes du MLC ont instauré un climat de peur généralisé au sein de la population centrafricaine espérant ainsi déstabiliser l’armée adverse ». Quatre cents viols ont été recensés par l’accusation à Bangui, la capitaine centrafricaine.
La Cour pénale internationale (CPI) a autorisé la participation à la procédure contre Jean-Pierre Bemba de 135 victimes et doit encore examiner les demandes déposées par 1200 personnes environ. Jean-Pierre Bemba, arrêté à Bruxelles en 2008, qui risque la réclusion à perpétuité, est poursuivi par la CPI en tant que « chef militaire »: il lui est reproché d’avoir su que ses troupes commettaient des crimes et de ne pas avoir pris toutes les mesures pour les en empêcher.
Selon la défense de l’ancien vice-président de RDC, les troupes du MLC ont combattu « avec l’uniforme et sous le drapeau centrafricain ». Un de ses avocats, Me Aimé Kikolo a affirmé que « ce sont les autorités centrafricaines qui avaient en charge le commandement effectif et la discipline ».
Jean-Pierre Bemba qui a fui la RDC en 2007, avait été arrêté le 24 mai 2008 à Bruxelles en vertu d’un mandat d’arrêt de la CPI, saisie en 2004 par François Bozizé, le président de la Centrafrique depuis 2003.
L’ouverture a été précédée d’une conférence de presse au siège de la CPI. Les intervenants ont souligné l’importance capitale du respect des droits des parties et des participants à la procédure judiciaire devant la Cour. Le Greffier de la Cour, Mme Silvana Arbia, a affirmé que « seul un procès équitable permettra à la justice de remplir son rôle dans l’établissement d’une paix durable et de lutter efficacement contre l’impunité des crimes qui […] touchent l’ensemble de la communauté internationale, et heurtent profondément la conscience humaine ».
Des journalistes centrafricains (dont ceux de Radio Ndeke Luka) et congolais ont pu, via vidéoconférence, à partir des bureaux de la Cour à Bangui (République centrafricaine) et Kinshasa (République démocratique du Congo), poser leurs questions aux parties et participants au sujet du procès à l’encontre de M. Bemba.
Le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo a déclaré au cours de cette conférence de presse que « Jean-Pierre Bemba a utilisé une armée entière comme un instrument pour violer, piller et tuer des civils en République centrafricaine. Aujourd’hui, il est appelé pour rendre compte du fait qu’il n’a délibérément pas empêché, réprimé ou puni les atrocités de masse commises par ses hommes en RCA »
« Les victimes méritent que justice soit rendue et surtout, qu’elles y participent » a affirmé Mme Arbia. Les représentants légaux des victimes ont, à leur tour, souligné le rôle de la Cour pour mettre fin à l’impunité et empêcher la répétition des atrocités du passé. « Plus jamais ça », a affirmé Me Marie-Edith Douzima-Lawson, avocate au barreau de Bangui et représentante légale des victimes, alors que Me Assingambi Zarambaud a avancé que «Quelque soit la longueur de la nuit, le jour finira par paraître».
Prenant la parole en dernier lieu, l’équipe de Défense de M. Bemba, composée de Me Nkwebe Liriss, Me Aimé Kilolo Musamba et M.Nick Kaufman, a soutenu que « l’Etat centrafricain, sous la Présidence de Patassé, avait la libre disposition des troupes congolaises de l’administration du MLC, qui combattaient sous leur drapeau, et répondait de leurs actes ».
Le procès est prévu pour durer plusieurs mois.