Le 18 mai dernier, Radio Ndeke Luka recevait comme invité, le général Balla Kéïta de la force de la Minusca. A notre micro, il donnait un bref aperçu sur la situation de certaines régions de la RCA plongées dans la violence. Interview !
Général Balla Kéïta, deux groupes armés s’affrontent à Bria, des pertes en vies humaines sont signalées, des échanges de tirs avec les casques bleus ont été confirmés. Peut-on savoir ce qui s’est passé réellement ?
A Bria, il s’est passé ce qui suit. Par rapport aux évènements qui se sont passés à Bangassou, ça a créé un certain émoi dans les différentes communautés. A Bria, il y a toujours les antibalaka, les ex Seleka du FPRC qui sont là. Et, à côté aussi, une faction du FPRC à majorité d’ethnie arabe. Ces trois composantes ne vivaient pas en parfaite harmonie au niveau de Bria et nous, on faisait tout pour qu’il n’y ait pas de clash entre eux. Mais avec ses évènements, les musulmans se sont regroupés dans le quartier musulman. Et les antibalaka dans leur base, voyant que les musulmans se regroupaient pour parler des évènements de Bangassou ? ont cru que les gens se préparaient pour une attaque contre eux. Eux aussi se sont préparés. Et les autres qui parlaient de Bangassou, voyant aussi que les autres se préparaient, donc, ils ont dit que sûrement ils se préparaient pour venir les attaquer. Dans cette confusion, il y a eu les clashs entre une faction des antibalaka et la composante arabe du FPRC. Donc, on a pu rapidement séparer les deux et depuis lors, la situation est sous contrôle. Voilà ce qui s’est passé à Bria.
Quel bilan disposez-vous à ce jour ?
Le bilan, je pense qu’il en avait fait autour de 4 et 5 qui ont été tués des deux côtés. Malheureusement, il y a eu aussi des déplacés qui sont retournés dans le camp des déplacés qu’il y avait aux côtés de la Minusca. On compte quand même quelques milliers qui sont retournés la-bas. Et malheureusement, c’est toujours comme ça. Dès qu’il y a clash, les populations vont là où elles pensent avoir de la protection. Actuellement, on est en train de prendre en compte les besoins humanitaires de ses gens là, la situation est calme. Mais puisqu’il y a toujours des gens incontrôlés, on essaie de veiller pour que ça ne se recommence plus.
Hormis la situation qui, selon-vous semble être un peu calme, néanmoins, que comptez-vous faire ? Allez-vous procéder au désarmement des combattants ?
Pour le moment, il faut faire les choses les unes après les autres. On ne peut pas se mettre à vouloir désarmer tous ces gens là, c’est une autre affaire. Ce qu’on est en train de faire, c’est de mettre en place un dispositif qui va permettre à la population de ne pas être la cible de ses attaques. Tout le monde sait que nous tous, on va aller vers le désarmement. Mais le désarmement a un processus.
A Bangassou mon général, vous avez donné un bilan de 26 morts côté population et 6 autres, côté casques bleus. Alors que l’abbée Alain Blaise Bissialo parle lui de 59 corps déjà enterrés. Avez-vous au moins revu à la hausse votre bilan ?
Effectivement, c’était hier le bilan qu’on avait. Comme on a dit, on a pris position, on a commencé à fouiller dans la ville. En fait, ce sont les ONG qui ont amené ces corps, le nombre qu’on a donné, c’est le nombre qu’ils avaient. Malheureusement, quand ils ont continué la fouille pour entrer dans le quartier musulman de Tokoyo, ils en découvrent un peu plus.
Et quelle est la véritable identité des assaillants ?
Les assaillants, ce sont des gens qui se font appeler des groupes d’auto-défense – genre antibalaka qui sont venus de Nyakari, Yongofongo, Kitika… tous, on les connaît. Les autorités et les centrafricains de la-bas les connaissent. Il y ‘en a aussi qui sont venus de l’Ouest pour descendre la-bas mais ils sont connus par leurs noms par beaucoup d’autorités. Ce sont des gens du coin qui se font appelés antibalaka ou groupe d’auto-défense. C’est eux qu l’ont fait. Et je pense, ce qu’ils faisaient, c’est juste attaquer une communauté, ils n’avaient pas d’autres objectifs. C’est eux qui habitent la-bas autour et qui ont été renforcés par d’autres et qui ont fait cette lutte. Et je pense que derrière eux, se trouvent des politiciens.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Parce qu’ils ont vécu ensemble depuis plus de trois ans.
Vous parlez des politiciens, avez-vous identifié quelques uns selon des informations ?
Mais oui, on a des noms, on a des indications sur des noms des gens qui sont impliqués. On va faire des enquêtes et je suis sûr et certain que des gens vont être démasqués.
Et qui aujourd’hui contrôle totalement la ville ?
Actuellement, on est dans la ville. Les gens, ils sont peut-être dans certains coins de la ville. Mais Bangassou, c’est une grande ville, on voulait que les humanitaires viennent aujourd’hui mais on va essayer de sécuriser l’aéroport pour que l’aide à ces gens puisent arriver et élargir un peu. On est en train de prendre le contrôle de la ville petit-à-petit.
Alindao selon le député vient de sombrer dans une nouvelle crise. Êtes-vous au courant ?
Moi, j’ai demandé à mes gens parce que nous, on a quand même un peu moins d’une centaine d’hommes qui sont la-bas à Alindao depuis un peu plus de deux semaines. On ne nous a pas rendu compte de combat. Ce qu’on m’a rendu compte, c’est que malheureusement en continuant la fouille, on leur a indiqué des puits où les gens auraient ensevelis des corps. Ils sont allés la-bas avec des hommes pour justement vérifier disons la véracité et je pense qu’ils ont trouvé dans certains des puits, des corps. Mais là actuellement, ils n’ont pas rendu compte des combats. Ils sont la-bas et on a un peu moins d’une centaine d’hommes à Alindao et s’il y a des trucs, je pense qu’ils seront impliqués dans ces combats parce qu’ils ont la charge de défendre la population civile d’Alindao, ce qu’ils font déjà.
Et comment expliquez-vous la présence du chef de l’UPC Ali Darassa dans cette ville ?
Les factions sont dans toutes les villes. Dans les 3/4 de Centrafrique, il y a des groupes armés.
Mais la fois dernière, vous l’aviez expulsé de Bambari mais comment se fait-il qu’il se retrouve à Alindao ?
Nous, on l’a sorti de Bambari pour des raisons bien claires. Et ces raisons, on l’a expliqué à tout le monde parce qu’on a fait de Bambari, une ville sans groupes armés. Que nous, on n’est pas là pour protéger Darassa mais on lui a dit de sortir de Bambari. Mais pour le moment, le problème, ce n’est pas d’aller chercher les chefs des groupes armés, on les connaît, ils sont tous dans l’une des villes. Le problème, on va l’adresser d’une autre manière, il n’est plus à Alindao. C’est pour dire que Darassa, il circule.
Mais pourquoi vous le laissez circuler librement comme ça ?
On n’est pas là pour aller chercher un chef des groupes armés. Darassa venait ici à Bangui, il venait ici en discussion. Il a des délégués qui viennent ici à Bangui.
Et par quel moyen ?
Par les moyens de la Minusca comme on amène toutes les autres factions ici pour discuter avec le Président qui les a reçus dans le Palais de la République Centrafricaine.
Niem a été annexée par les rebelles de 3R (Retour, Récupération, Réhabilitation ), de Sidiki. L’ultimatum de la Minusca n’a pas été respecté et certains éléments de ce groupe armé ont décidé de se retirer selon eux volontairement de la ville. Quelle est votre réaction ?
Ils sont présents à Niem comme ils le sont dans d’autres villes comme je l’ai dit parce qu’ils sont à la recherche de troupeaux pour les frères Ndalé pour ne pas les citer qui, chaque fois, prennent les bœufs. Des fois, ils les partagent avec certains villageois et le reste, ils l’amènent à Bouar. C’est connu de tout le monde. Donc, les 3 R, ils sont partis à la recherche de troupeaux. Quand ils sont arrivés jusqu’à Niem, ils ont vu que les troupeaux avaient continué sur Bouar, ils ont fait un stop à Niem. On a envoyé plus d’une centaine d’hommes pour rassurer la population… Et puis, on a mis les trucs là pour dire, vous ne touchez à personne. Maintenant, leur présence au niveau de la ville, on était en train de le régler en liaison avec les autorités parce que c’est quelque chose qui est un conflit général. Donc, c’est un conflit de transhumance qui doit être réglé dans un cadre global. Et c’est ça qu’on a essayé de faire depuis ce temps la.
Que répondez-vous aux personnalités politiques qui accusent la Minusca d’être trop passive face aux agitations des groupes armés ?
Partout, ce qui se passe dans ce pays, quand même la Minusca fait de son mieux pour protéger les populations civiles. Il faut quand même que les gens puissent relativiser. Il y a beaucoup de personnes qui pensent que la Minusca doit aller tuer tous les éléments FPRC, MPC, les antibalaka. On ne peut pas être là pour tuer tous ces gens là qui sont en conflit. On va essayer d’appeler les gens d’abord pour que ceux qui ont la bonne volonté et pour le moment, tout le monde a rejoint parce qu’il y en avait qui ne voulaient pas mais tout le monde a rejoint les discussions. On va essayer quand même pour une fois, entre centrafricains de régler un problème d’une manière qui soit durable.
Voulez-vous parler d’un dialogue en cours ?
Oui mais forcément. Parce que vous savez le dialogue, il y avait des belligérants qui n’avaient pas encore participé. Les 14, tout le monde est venu à la Présidence il n’y a pas longtemps. Ils ont dit, on veut maintenant rentré dans la discussion pour régler notre problème entre centrafricains. Donc, il y a un processus et il faut lui donner une chance pour aboutir. C’est ce qui fait que pour le moment, la solution, ce n’est pas de tuer tout le monde.
Propos recueillis par Providence Jeudi Orogbondji
pour Radio Ndeke Luka
Source : www.radiondekeluka. Org (Invité de la rédaction du 18-05-17)