Suite aux multiples plaintes de la population de Bozoum dans l’Ouham Péndé (nord-ouest) au sujet de l’exploitation d’or par des sociétés chinoises, l’Assemblée nationale a diligenté une enquête parlementaire qui confirme la dégradation de l’environnement.
La conclusion de l’enquête parlementaire publiée le 13 juillet révèle une forte dégradation de l’environnement et une opacité dans le processus d’attribution de ce permis d’exploitation semi-artisanal. Contrairement aux termes du permis, les élus de la Nation ont constaté que les chinois opérant dans les mines à Bozoum font de l’exploitation industrielle, avec à la clé un rapport tronqué sur leur cahier de production.
Bernard Dillah, chef de mission de l’enquête parlementaire, accuse les entreprises d’avoir triché. « Ces chinois ne font pas de l’exploitation semi-artisanale, mais plutôt industrielle. Ils emploient des machines en lieu et place de la main d’œuvre locale« , a relevé le secrétaire exécutif de l’Assemblée Nationale, indiquant qu’avec tout ce moyen d’exploitation, ces entreprises ne présentent qu’en « moyenne 400g d’or, ceci en complicité avec certains cadres de l’Etat » réunis dans « un réseau« . Pour Bernard Dillah, « cette exploitation n’a aucun intérêt pour la population encore moins pour le pays« .
Le rapport met en exergue le danger que court les animaux aquatiques vivant dans les eaux de l’Ouham. « Les chinois ont utilisé du clore, responsable de pollution de l’eau. Les pachydermes qui y vivent sont obligés de quitter leur milieu pour vivre dehors et donc dévaster les champs« , a souligné le document parlementaire. « Difficile aujourd’hui d’avoir le poisson et nos enfants auront de la peine à l’avenir lorsqu’on leur parle de certains animaux« , a regretté le député face à cette destruction.
L’enquête des députés a mis en lumière les conséquences sanitaires de cette exploitation sur la population. « Nous avons discuté avec les responsables de centre de santé qui nous ont rapporté qu’avec l’exploitation, le nombre d’avortement chez les femmes enceintes a été multiplié par 10« , a précisé Bernard Dillah avant d’interpeller le Gouvernement à réviser les termes du cadre pour que l’exploitation soit rationnelle.
La réponse du gouvernement ne s’est pas fait attendre, aussitôt, le porte-parole de la Présidence a lu deux décrets sur les ondes de la Radio Nationale abrogeant les dispositions du décret portant attribution du permis d’exploitation aux sociétés chinoises, dans l’Ouham Péndé.
Les premières dénonciations
Dès le début des travaux d’exploitation, des voix se sont élevées pour dénoncer la dégradation de l’environnement. La première celle de Père Aurelio Gazzera curé de la Paroisse Saint Michel de Bozoum, travaillant depuis 28 ans en Centrafrique. Pour la cause, le prêtre s’est fait arrêter le 27 avril 2019, conduit à la brigade minière pour être relâché quelques minutes plus tard, grâce à l’intervention de la population locale.
Le 29 avril 2019, Corneille Sérékoïssé député de Bozoum, a dénoncé cette exploitation industrielle menée par quatre sociétés chinoises sur les 9 sites sous surveillance de deux stagiaires centrafricains pris en charge par les entreprises chinoises. Cette situation selon lui, est un problème de crédibilité et représentant déjà un danger pour la population.
Sur le plan écologique, l’Ouham est déviée de son lit initial et les travaux ne sont pas surveillés côté centrafricain. Les espèces aquatiques sont menacées d’extinction à cause de la pollution de l’eau. La flore est également détruite le long du cours d’eau Ouham. Corneille Sérékoïssé s’était aussi inquiété des conséquences de certains produits utilisés dans l’exploitation sur la santé humaine. Ce que confirme 3 mois plus tard les résultats de cette enquête parlementaire.