A quelques mois de la tenue des élections générales dont le premier tour est fixé au 27 décembre 2020, une partie des élus de la Nation se montre favorable à la prorogation du mandat présidentiel et législatif. Une initiative en cours à l’Assemblée aurait déjà recueilli plus de 100 signatures.
Depuis le déclenchement du processus électoral, des inquiétudes sont portées sur la tenue du calendrier électoral dans le délai constitutionnel. Alors que le processus suit son cours et que l’Autorité Nationale des Elections maintient son chronogramme, l’Assemblée nationale sonne un autre son de cloche. Des députés, pour la plupart, proches du pouvoir, ont initié une « pétition » visant à recueillir des signatures dans le but de proroger le mandat présidentiel et législatif au cas où le délai constitutionnel pour les élections de décembre 2020 n’arrivait pas à être respecté.
Les initiateurs défendent que cette démarche ne vise pas à maintenir le président Touadéra au pouvoir mais à éviter une quelconque transition, au cas où le calendrier électoral n’est pas tenu dans un délai constitutionnel en raison de la pandémie de Covid-19.
« Il s’agit de ce que, les constituants centrafricains de 2016, certainement animés par de bonnes intentions de préserver la stabilité des institutions démocratiques acquises, ont mis des verrous dans la Constitution pour éviter le tripatouillage. Alors, nous sommes malheureusement confrontés à un problème qu’ils n’avaient pas pris en compte. Le problème de cas de force majeure. La Constitution du 30 mars 2016 ne prévoit nul part un mécanisme pouvant apporter des solutions, au cas où le processus électoral déclenché dans le délai constitutionnel, n’aboutirait pas, » affirme Mathurin Dimbélé Nakoé, 2ème Vice-président de l’Assemblée nationale.
Cependant, il se pose un problème de compétence face à un éventuel glissement voire la non-tenue, dans un délai constitutionnel, du calendrier électoral par l’Autorité nationale des élections (ANE). Puisqu’aucun dénouement n’est prévu par la Constitution de mars 2016. En réponse à cette préoccupation, ces députés proposent un aboutissement.
« La Constitution ne donne aucune compétence, ni à l’Assemblée nationale, ni au Gouvernement, ni à la Cour constitutionnelle pour envisager une solution. Cependant, l’article 151 a prévu un mécanisme qui permet la révision de la Constitution. L’initiative de cette révision appartient concurremment au président de la République et au Parlement. C’est fort de toutes ces dispositions que nous nous sommes dit qu’il faut apporter une solution à ce manquement » soutient Mathurin Dimbélé Nakoé.
Une nouvelle crise politique à l’horizon?
Depuis l’annonce de cette initiative en cours à l’Assemblée nationale, toute la classe politique et la société civile sont en alerte. Des voix se sont élevées ça et là pour dénoncer une manœuvre politique visant à proroger « illégalement » le mandat du président de la République et des députés. D’ailleurs, le 8 avril 2020, l’opposition démocratique réunie au sein de sa plateforme dénommée COD-2020 a mis en garde dans une déclaration, l’Assemblée nationale et la communauté internationale des conséquences pouvant découler d’une telle initiative. Un jour plus tard, le 09 avril, le Groupe de Travail de la Société Civile sur la crise centrafricaine, GTSC a, lors d’une entrevue avec le Président de l’Assemblée nationale, exprimé ses inquiétudes face à cette initiative.
« Les dispositions de la Constitution du 30 mars 2016 sont claires et n’autorisent pas les députés à prendre une telle initiative pour proroger le mandat du chef de l’Etat. Et si la pandémie du Covid-19 rend impossible l’organisation des élections, à partir de ce moment, c’est un consensus et non une pétition comme celle qu’on voit et qui a déjà recueilli des signatures » a fait savoir Gervais Lakosso, chef de la délégation de la société civile au sortir de l’entrevue avec El Hadj Laurent Gon Baba.
Face à la pandémie de coronavirus, qui « constitue un cas de force majeure et qui pourrait impacter le processus électoral, une initiative doit être prise pour prévenir les aboutissants de cette procédure en cours à l’Assemblée » avertit un observateur politique centrafricain.
Cette initiative pilotée par deux proches du président Faustin Archange Touadéra, notamment Jean-Symphorien Mapenzi et Mathurin Dimbélé Nakoé, respectivement 1er et 2ème vice-président de l’Assemblée nationale aurait déjà recueilli plus de 100 signatures favorables.