Faux, le procureur de Bambari, le magistrat Olivier Mbombo, n’a pas été «gravement tabassé» par des russes©RNL
Un juge centrafricain s'apprêtant à sonner la clochette lors d'une session criminelle à Bangui

faux, le procureur de Bambari, le magistrat Olivier Mbombo, n’a pas été «gravement tabassé» par des russes

  • Dans sa publication du 18 juillet 2022, le site d’informations en ligne Corbeaunews Centrafrique annonce : « le procureur de Bambari, le magistrat Olivier Bombo, gravement tabassé par les mercenaires de Wagner ».
  • Juste après cette publication, l’information devient virale et a été relayée plusieurs fois sur les réseaux, notamment Facebook, Twitter et dans des groupes de discussions WhatsApp.
  • Le magistrat Olivier Mbombo dément cette nouvelle. Rencontré par la cellule #StopAtènè à son domicile, le procureur ne porte aucun signe de torture sur son corps.
  • Contactés, le Sous-préfet et le maire de Bambari parlent de fausse information.
  • La division des droits de l’Homme de la Minusca parle de non évènement.
  • Le président de la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme, Joseph Bindoumi, conteste cette information.
  • Donc, l’information selon laquelle le procureur de Bambari, le magistrat Olivier Mbombo, est gravement tabassé par les mercenaires de Wagner,  est fausse.

 

Le site d’informations en ligne Corbeaunews Centrafrique (CNC) a rapporté, dans sa publication du 18 juillet dernier, que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bambari, Olivier Mbombo, a été violemment agressé par les soldats russes présents dans la localité.

«Centrafrique : le procureur de Bambari, le magistrat Olivier Bombo, gravement tabassé par les mercenaires de Wagner», écrit le journal.

 

Captures d’écran de la publication de Corbeaunews

Cette publication, qui s’inscrit dans un contexte géopolitique sensible en République centrafricaine, a suscité une vague de réactions sur les réseaux-sociaux et est devenue virale dans plusieurs groupes de discussions WhatsApp. Cependant, l’auteur de l’article n’a apporté aucun élément de preuve moins encore des précisions sur le lieu, la date ou les témoins de la scène de cette prétendue agression physique.

La cellule d’investigation de Radio Ndeke Luka #StopATènè s’y est intéressée pour démêler le vrai du faux. Premièrement, la cellule a remarqué qu’au moment de la publication de l’information, le magistrat Olivier Mbombo se trouvait hors de Bambari. Il était déjà à Bangui pour participer à une formation des magistrats.

Pour en être sûrs, certains membres de #StopATènè ont rencontré Olivier Mbombo à son domicile à Bangui. Le magistrat affirme n’avoir fait l’objet d’aucune agression en ces termes : «Je vous dis que l’information donnée par Corbeaunews est outrageusement fausse. C’est une fake-news ! La preuve, c’est que vous m’avez retrouvé avec mes éléments de sécurité et je suis en bonne forme. Je n’ai été victime d’aucune agression, je suis même actuellement à Bangui pour participer à un séminaire des magistrats et je rentrerai les jours suivants».

Une affirmation sous pression ?

Quelques jours après sa publication du 18 juillet, le même site d’informations revient à la charge et annonce que le magistrat a nié les faits sous pression des autorités centrafricaines : «Tabassage du procureur de Bambari par les mercenaires russes, la présidence met la pression sur la victime pour démentir les faits et disculper les Wagner », publie-t-il.

Capture d’écran de Corbeaunews

Répondant à la question de #StopATène sur cet aspect, le magistrat Olivier Mbombo affirme : «C’est encore un autre mensonge. Je ne suis pas du genre à cacher un fait qui porte atteinte à mon intégrité physique, parce que soi-disant, j’ai été sous pression. D’habitude, je dénonce tout ce qui ne marche pas».

Par ailleurs, contrairement à l’article, le nom du procureur de Bambari est « Mbombo » et non « Bombo », comme l’écrit le site d’informations en ligne. 

Les autorités administratives locales démentent l’information

En vue de vérifier l’information à la source, nous avons joint au téléphone certaines autorités administratives locales. Contacté, le Sous-préfet de Bambari, Saturne Nicaise Grepandet, parle d’une fausse nouvelle : «Je qualifie cette information d’une allégation mensongère et je rappelle que je n’ai même pas été informé d’un tel acte en tant qu’autorité locale ».

De son côté, le maire de la ville de Bambari, Abel Matchipata, ne confirme pas non plus cette information.

«Non ! Je n’ai pas appris cette nouvelle. D’ailleurs, ce n’est pas pour la première fois que des nouvelles pareilles circulent sur les réseaux-sociaux. Mais, en tous cas, rien est arrivé au procureur », conclut le Maire.

Certaines sources locales dont des confrères locaux et des agents des ONG contactées par #StopATènè, affirment n’avoir pas entendu parler d’une agression présumée du procureur de la ville par des militaires russes.

La Minusca et la LCDH démentent la nouvelle

D’habitude, la Division droits de l’Homme de la Minusca répertorie ce type d’incident, surtout s’il vise un fonctionnaire de l’administration publique. Mais interrogé, son bureau de Bambari affirme n’avoir enregistré aucun cas de violation des droits de l’homme de la part des éléments russes sur une autorité publique.

« Précisément à Bambari, pendant toute la période du mois de juin et juillet, nous n’avons pas enregistré des cas de violences sur les autorités locales et autres personnes », rapporte le bureau local de cette division.

Enfin, le magistrat Joseph Bindoumi, inspecteur des services judiciaires et président de la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH) indique que cette nouvelle est fausse.

«Je vous dis que cette information est fausse. Le procureur n’a pas été agressé comme l’affirme ce site d’informations. D’ailleurs, s’il en était le cas, je serai le premier à monter au créneau et je suis intraitable sur ce genre de question », réagit-il.

En conclusion, l’information selon laquelle « le procureur de Bambari, le magistrat Olivier Mbombo, est gravement tabassé par les mercenaires de Wagner » est fausse.

#StopATènè, l’équipe qui lutte contre la désinformation et les discours de haine en Centrafrique

Sources :

  • Olivier Mbombo Mossito, procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bambari
  • Saturne Nicaise Grepandet, Sous-Préfet de Bambari
  • Abel Matchipata, Maire de Bambari
  • Des acteurs humanitaires et journalistes locaux de Bambari
  • Division droits de l’Homme de la Minusca à Bambari
  • Joseph Bindoumi, Inspecteur des services judiciaires et président de la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH)