A la suite d’une tournée pastorale, effectuée ce mois de mars dans une partie du Nord-est centrafricain, le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga déplore les conditions de vie des habitants. Le prélat décrit une situation humanitaire « insoutenable« .
Alors que l’insécurité redevient la principale préoccupation dans le Nord-est de la République centrafricaine, le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga a effectué une visite pastorale de près de deux semaines dans les localités de Ouadda, Ouanda-Djallé, Sam-Ouandja et Yalinga. A l’issue de ce périple, l’archevêque métropolitain de Bangui a affirmé avoir touché du doigt les conditions difficiles dans lesquelles vit la population.
Population livrée à elle-même
Au cours de la conférence de presse, organisée ce 28 mars 2023 à Bangui, relative à cette mission à l’intérieur du pays, le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga n’a pas tourné autour du pot pour dénoncer les conditions de vie de la population. D’abord, à Ouadda dans la préfecture de la Haute-Kotto, l’archevêque de Bangui décrit une prison à ciel ouvert.
« Là-bas, la vie est difficile pour les populations. La route est fortement dégradée et il faut des heures pour faire le trajet. A Ouadda, il n’y a pas de téléphone. Seul, le chef rebelle a un Thuraya. Il n’y a que lui seul qui peut communiquer. C’est lui qui a le bar, c’est lui qui a le grand magasin. Donc, tout le monde va chez lui pour s’approvisionner. La population est livrée à elle-même, car toutes les autorités sont à Bria », a décrit le cardinal Nzapalaïnga.
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En l’absence de l’autorité de l’Etat, la localité de Ouadda est entièrement administrée par les hommes armés. Ces derniers imposent leur volonté à la population et tracent la voie à suivre.
Sentiment d’abandon
« Depuis 11 mois, après les affrontements et le départ de l’armée nationale, ce sont les rebelles qui occupent la ville. Ils rançonnent tout le monde ; puisqu’on ne peut que passer par eux. Ce qui m’a choqué, c’est qu’une vieille femme nous a fait savoir que les habitants vivent comme des *nim*ux dans cette localité. Un morceau de savon qui coûte 150 francs à Bangui, coûte 500 francs là-bas. Les gens n’ont pas d’habits. Pour plusieurs habitants, qui vivent dans cette région, l’Etat centrafricain les a oubliés et abandonnés », a fait savoir le prélat.
Si la situation sécuritaire et humanitaire est préoccupante à Ouadda, elle est encore catastrophique dans les autres localités de la Haute-Kotto. Des enfants ne sont pas vaccinés, des femmes accouchent dans de mauvaises conditions, les gens manquent de médicaments, bref, la santé et l’éducation sont en péril.
Des secouristes dénués de matériels
« Depuis 2 ans, les enfants ne sont pas vaccinés dans certaines localités. A Sam-Ouandja par exemple, il est difficile d’accéder à la ville. Les habitants sont coincés et ne peuvent vaquer librement à leurs occupations, car les axes sont contrôlés par les rebelles. Imaginez-vous, seuls, 6 enseignants sont affectés dans une grande préfecture comme la Haute-Kotto. Nous avons remarqué qu’à Sam-Ouandja, le nombre d’élèves est pléthorique, mais il n’y a pas d’enseignants. L’éducation des filles est menacée. Nous avons même vu une fille en train d’allaiter son bébé dans une salle de classe. C’est inimaginable », a déploré le cardinal Nzapalaïnga, poursuivant qu’ « A Yalinga, il n’y a pas de médicaments à part quelques comprimés pour le traitement du palu. En dehors du palu, si vous tombez malade, tant pis. Aussi, il n’y a aucun dispositif de dépistage du Vih/Sida dans cette ville… ».
Malgré tout, les habitants des localités susmentionnées font preuve d’une grande résilience et expriment le souhait de voir l’église catholique ouvrir des écoles privées dans leurs villes. Une demande prise au sérieux par l’archevêque métropolitain de Bangui qui, en retour, déplore le manque de moyens pour satisfaire ce besoin.
Au début du mois de mars, des rumeurs circulant sur les réseaux sociaux annonçaient que le cardinal et son équipe ont été retenus en otage par des hommes armés. Ces mêmes rumeurs affirmaient qu’une somme d’argent a été versée pour leur libération. Pour couper court à ces fausses nouvelles, Dieudonné Nzapalaïnga a précisé que son équipe et lui n’ont pas été inquiétés lors de cette mission. Il dément ainsi avoir été pris en otage ou libéré après versement d’une rançon.
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