Interpellé par la police centrafricaine alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour Douala au Cameroun, les réactions se multiplient après l’arrestation de l’avocat et homme politique Crépin Mboli-Goumba. En guise de protestation, les avocats décident de suspendre leur participation aux audiences dans les juridictions nationales jusqu’à nouvel ordre.
L’avocat et homme politique centrafricain, Crépin Mboli-Goumba, est depuis hier dans le filet de la police nationale. Il a été arrêté à l’aéroport international de Bangui alors qu’il faisait le check-in pour un vol de la compagnie Kenya Airways. Conduit au commissariat du port Amont puis maintenu dans les locaux l’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB), il est accusé d’«outrage à magistrats », selon le parquet de Bangui.
« Atteinte à l’honneur et à la dignité »
« Dans la journée du 20 février 2024, au cours d’un point de presse, M. Crépin Mboli-Goumba, du haut de sa tribune, a délibérément mis en exergue ses propres intérêts et ceux de ses clients par des critiques acerbes et outrecuidantes contre certains magistrats en activité comme étant à l’origine du non aboutissement des diverses procédures plaidées par son cabinet. Ces propos, comportant des termes de nature à porter atteinte à l’honneur et à la dignité, seraient susceptibles d’être qualifiés de diffamation et d’outrage à magistrats, a indiqué Benoît Narcisse Foukpio, procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Bangui.
Vers une grève illimitée
Si le parquet de Bangui justifie l’arrestation de l’avocat par des propos susceptibles d’être qualifiés de « diffamation » et « d’outrage à magistrats », l’Ordre des avocats centrafricain voit en cette démarche, une violation flagrante des droits humains. Par conséquent, il décide de la suspension de toutes ses activités jusqu’à nouvel ordre.
« Il y a dans cette situation une arrestation arbitraire et une atteinte à la dignité humaine. Nous nous sommes rapprochés du Garde des sceaux pour en conférer. Malheureusement, il n’a pas voulu nous recevoir. D’abord, la base a considéré cette situation comme un manque de respect et un mépris non seulement vis-à-vis de leur représentant mais de l’ensemble du corps. Sur cela, elle a décidé de ne pas prendre part aux audiences dans les juridictions nationales à compter de ce jour et de manière illimitée », a fait savoir Maître Emile Bizon, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Centrafrique.
Une autre réaction est celle du Bloc républicain pour la défense de la Constitution, (BRDC) que dirige Crépin Mboli-Goumba. Cette plateforme politique condamne aussi cette arrestation et demande sa libération immédiate.
« Il y a une volonté d’humilier »
« Il a été implicitement traité comme un criminel, un grand bandit. Nous pensons que la volonté d’humilier est manifeste. Nous ne disons pas qu’un homme politique est au-dessus de la loi mais nous voulons que les procédures soient respectées. Maître Crépin Mboli-Goumba a des garanties de représentativité. Il est avocat, il a un hôtel et un cabinet. J’en appelle au président Touadera pour que ce dernier soit libéré », a réagi Martin Ziguele, porte-parole du BRDC.
Alors que les réactions continuent d’affluer, le Parquet dénonce des « amalgames » et appelle à la retenue.
« Le Parquet de la République constate, avec amertume, les amalgames entretenus sciemment par certains partis, groupements politiques et des personnes mal intentionnées de nature à distraire l’opinion publique nationale et internationale. Il ne s’agit point d’une affaire ou bien d’un règlement politique car d’aucuns cherchent à jeter, à tort, le discrédit sur les autorités politiques et les institutions de la République » a rétorqué Benoît Narcisse Foukpio, lançant par ailleurs qu’il « convient de laisser l’enquête judiciaire se dérouler en toute sérénité en vue de parvenir à la manifestation de la vérité. »
Fin février, Crépin Mboli-Goumba a dénoncé, au cours d’une conférence de presse, une « mafia » instaurée au sein de la machine judiciaire centrafricaine. Il avait notamment pointé du doigt le ministre d’Etat à la justice, Arnaud Djoubaye Abazène, d’en être l’instigateur. Ces accusations ont provoqué le courroux des autorités judiciaires au point de brandir des menaces de sanctions et de poursuite judiciaire.
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