Le verdict est tombé ce jeudi 26 janvier 2012. Le directeur de Publication du quotidien Le Démocrate, Ferdinand Samba est condamné à 10 mois de prison ferme, un million de francs CFA d’amende à payer à l’Etat centrafricain, dix millions de dommages et intérêts à payer à la partie civile (le ministre d’Etat aux Finances Sylvain Ndoutingaï). Ce n’est pas tout. Fermeture du journal pendant un an. La décision du tribunal devra faire l’objet de dix publications dans Le Citoyen, un autre quotidien de la capitale centrafricaine, aux frais du condamné.
Quant à Patrick Agoundou, directeur de publication du quotidien La Plume, poursuivi pour les mêmes accusations et considéré en fuite, il a été jugé par contumace et condamné à un an de prison ferme. Un mandat d’arrêt international a été lancé contre lui.
Ferdinand Samba a été arrêté lundi 15 janvier 2012 à Bangui à la suite d’une plainte pour diffamation déposée contre lui par le ministre d’Etat aux Finances, Sylvain Ndoutingaï. L’affaire avait été repoussée à trois reprises à la demande du journaliste et celle de sa défense, qui voulait prendre connaissance des pièces du dossier. Mais le président du tribunal avait finalement délivré un mandat d’amener contre le journaliste et celui-ci fut arrêté. Il lui est reproché d’avoir publié plusieurs articles depuis octobre 2011, à caractère diffamatoire, injurieux et incitant à la haine, visant précisément le ministre d’Etat aux Finances.
Les mêmes poursuites avaient également été engagées contre Patrick Agoundou. Ce dernier a depuis lors, quitté le pays et se trouverait, selon plusieurs sources, en France.
Pour marquer leur soutien, les professionnels des médias de presse écrite ont unanimement, sous la coupe de leur entité, le Groupement des Editeurs de la Presse Privée Indépendante de Centrafrique (GEPPIC), organisé récemment une « journée sans Journaux » à Bangui.
Le Réseau des ONG de défense des droits de l’Homme en Centrafrique a également dénoncé, à propos de ces affaires « les graves dérives ainsi que les manœuvres visant à museler la presse indépendante ». Dans un communiqué publié le 23 janvier 2012 et signé de Me Mathias Barthélémy Morouba, le RONGDH a exprimé « sa vive préoccupation devant la multiplication ces derniers temps des cas d’atteintes à la liberté de la presse et d’arrestations des journalistes en République Centrafricaine, par des hautes personnalités de l’Etat contre les Directeurs de Publication des Quotidiens de la place et des journalistes, au motif de diffamation, d’incitation à la haine ou autres » Pour le RONGDH l’illustration de ces dérives est manifestement l’arrestation du Directeur de Publication du Journal «Le Démocrate», Ferdinand Samba.
La Déclaration estime par ailleurs que les procédures, réquisitions du Parquet et demandes en réparation, visent à «créer un climat de terreur dans la presse indépendante, de bâillonner et finalement la démanteler». Le Réseau des ONG de promotion et de défense des droits de l’homme exprime sa vive préoccupation par rapport à la volonté du parquet de Bangui de ne poursuivre les journalistes que sur la base du code pénal en l’espèce non applicable d’autant plus que les délits de presse ont été dépénalisés, alors que le texte applicable est l’ordonnance de 2005 sur la liberté de la communication en Centrafrique.
Tout en rappelant que « la justice à son devoir d’indépendance, d’impartialité et de saine application de la loi», le RONGDH exige du Gouvernement centrafricain, de respecter les dispositions légales et instruments juridiques internationaux qui garantissent la liberté d’expression en Centrafrique. Il demande « à toutes les forces éprises de justice et de démocratie », une mobilisation pour préserver la «sûreté à laquelle ont droit les journalistes dans l’exercice de leur métier».