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Dans la Nana-Gribizi, des victimes de violences sexuelles peinent à avoir accès à la justice. C’est le cas des femmes abusées par des hommes armés à Kaga-Bandoro et dans sa périphérie lors des conflits, il y a quelques années. Celles-ci espèrent obtenir réparation par voie judiciaire. Mais, la tâche s’avère bien compliquée et la déception est perceptible.
Agée d’au moins 50 ans, Agnès (nom d’emprunt), a été victime de violences sexuelles en 2014 à Kaga-Bandoro, a perdu son mari au cours d’un conflit armé survenu dans la même année, et deux ans après, son fils-aîné a été porté disparu, ne pouvant supporter la tragédie qui arrivait à sa famille. Bouleversée par les actes subis, peinée et déchirée par de longues années de désespoir, Agnès explique son histoire.
« Il m’a violentée et a couché avec moi »
« Les Séléka ont incendié tous nos biens. Nous avons fui vers la Misca [mission de l’Union africaine à l’époque, remplacée par la Minusca, mission des Nations-Unies en 2014]. Comme j’ai été blessée au pied par une balle, les éléments de la Misca ont décidé de m’emmener à l’hôpital. Aux environs de 16h, les Séléka sont entrés dans le pavillon. Là, un des éléments m’a saisie en me disant qu’il va coucher avec moi. Je lui ai dit de regarder ma jambe avec les impacts de balles. Il a refusé et m’a violentée, avant de coucher avec moi », témoigne Agnès.
Le temps passe, Agnès qui a déposé plainte à l’époque espère voir un jour ses bourreaux expliquer les raisons qui les ont poussés à utiliser son corps comme moyen de guerre. Malgré le soutien qu’elle a reçu d’une organisation féminine locale, le constat est mitigé.
« Nous n’avons pas eu de solution »
« Plusieurs fois j’ai posé la question, mais je n’ai pas eu de réponse. Parce qu’ils ont négligé les documents. Est-ce que la Misca a transféré ces documents à la police, à la gendarmerie ou encore au parquet de Bangui ? Je ne sais pas. Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de solution pour beaucoup de femmes et filles violées », indique Angélique Nguerelemie, présidente locale de l’Organisation des femmes centrafricaine.
Au Tribunal de grande instance de Kaga-Bandoro, les affaires sont administrées par des juges intérimaires. Selon ces juges, les violences basées sur le genre représentent 30 à 40% des dossiers traités. Cependant, le cas des femmes violées pendant les conflits n’y est pas intégré. « Non, non, non présentement, il n’y a pas de violences basées sur le genre, liées aux groupes armés », indique Alexandre Mathurin Mokpeme, président intérimaire du tribunal de Kaga-Bandoro.
Kaga-Bandoro dépend de la Cour d’appel de Bangui. Cependant, les audiences tenues jusque-là en matière criminelle n’ont pas rassuré Agnès. A cela, s’ajoutent la carence du code pénal en vigueur concernant la définition des violences sexuelles en période de conflit, mais aussi la capacité des femmes violées dans les milieux ruraux à porter plainte. Agnès n’est qu’un échantillon de ces femmes oubliées qui portent le fardeau psychologique et morale de la crise, sans savoir quand elles obtiendront justice et réparation.
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