Quand on consulte le site recensant les décorations officielles de la République centrafricaine, on y trouve la Médaille des Mères. La distinction est tombée en désuétude. Elle est pourtant à l’origine de l’éclat que connait aujourd’hui encore dans le pays la Fête des Mères. La Médaille des Mères a été créée le 3 juin 1966 pour récompenser les mères de familles nombreuses, ayant élevé avec courage leurs enfants. Il existait 3 classes : l’or pour les mères d’au moins 13 enfants, l’argent pour celles qui en ont 10, et le bronze, pour 7 enfants. La médaille pouvait également être attribuée à des veuves ayant au moins 5 enfants en bas-âge à la mort du père.
La Fête des Mères a connu véritablement son apogée en Centrafrique avec l’Empereur Bokassa, aussi appelée « journée de la maman décorée ». C’est sous son règne que de grandioses cérémonies étaient organisées pour décorer, récompenser et fêter, sous les lambris de la République puis de l’Empire, les mères de famille nombreuses. Il faut rappeler à ce sujet que les réceptions qui suivaient la remise des décorations, ont fait jusqu’à nos jours, le succès d’une célèbre marque de liqueur très prisée des banguissoises.
Il s’agissait pour lui d’améliorer ainsi la vie des centrafricains, mais aussi la vie des centrafricaines, tout en travaillant à l’amélioration du droit des femmes et à leur promotion. Ainsi, dans cette mouvance, c’est lui qui a supprimé les traditions instaurant la dot avant le mariage des filles. Il s’est aussi opposé aux traditions néfastes entraînant des mutilations sexuelles telles que l’excision et l’infibulation pratiquées par de nombreuses ethnies.
Cet héritage, c’est aussi l’histoire de la République centrafricaine. Il faut reconnaitre qu’aujourd’hui, la Fête des Mères a perdu cet aspect nataliste, même en Europe où à l’origine également, elle était destinée à valoriser la maternité afin d’encourager la natalité.
En Centrafrique, comme ailleurs en Afrique, la maternité assure sécurité, prestige et épanouissement à la femme. Quoique la femme africaine cumule souvent plusieurs rôles, c’est celui de mère qui est privilégié par la communauté. Le prestige de la maternité dans la société étant intimement lié à la vitalité et à la perpétuation du lignage, la femme n’existera socialement que lorsqu’elle aura donné des enfants à sa belle-famille.
Ce qui en reste aujourd’hui de cette Fête des Mères, c’est l’esprit certes, mais surtout les joyeuses agapes. Elle est fêtée dans les familles, dans les établissements, publics comme privés, les départements ministériels, les municipalités…Il y a même à ce sujet l’aspect anecdotique qui accompagne la célébration. Pas de Fête des Mères à Bangui sans les nombreux faits divers, dont certains croustillants, qui émaillent l’événement et dont s’emparent chaque année, les médias.
L’année dernière par exemple, on a vu une dame mettre le feu à la maison pour punir son mari infidèle et l’ayant abandonné de surcroit pour aller combler une rivale. On retiendra ce paradoxe des nombreux couples séparés au lendemain de la Fête des Mères en Centrafrique. On comprend également mieux dès lors que le paiement des salaires, la veille de la fête, est considéré comme un geste politique fort permettant de « bien fêter ». Cette année, le gouvernement a consenti cet effort en payant les salaires des fonctionnaires avec quelques jours d’avance sur l’agenda habituel.
Radio Ndeke Luka souhaite bonne fête à toutes les mères centrafricaines, et par la voix des ondes et du cœur, à celles du monde entier. La vie des mères en Centrafrique est riche en péripéties ; elle va d’échecs en désillusions, en passant pourtant par des sommets de bonheur curieusement acquis. Elles sont « Dames Pâtes » : battues, fouettées, piétinées, pétries, puis mises au four. Et on ne compte pas leurs multiples rôles de marmiton, de cuisinière, de raccommodeuse, de gardienne d’enfants, d’épouse et de mère. Elle devait aussi arborer un sourire éternel sous toutes les conditions, être résistante à toute usure physique, paraître toujours belle et séduisante malgré ses corvées de ménage.
Mais qu’elles soient pétries par des mains pures ou impures, qu’importe. Elles demeurent le levain qui fait monter la pâte, et comme on le sait, le bon pain nourrira toujours le monde. Yvonne Mété-Ngemeu, dans un roman publié il y a deux ans ouvrage, ne parle-t-elle pas à leur sujet d’ «âmes vaillantes au cœur brisé » ?