Les chenilles, source de revenus pour les paysans, notamment les pygmées qui les récoltent d’une part, complément nutritionnel important très prisé d’autre part. Elles ont fait leur apparition sur les marchés de Bangui. Préparées à diverses sauces, elles permettent un air de fête dans les ménages et brisent pour quelques semaines la grisaille ambiante dans les ménages.
Entre début juillet et fin septembre, la Centrafrique, surtout dans le sud-ouest, vit à l’heure des chenilles. Si ces bestioles dorées, sont considérées comme des vermines par ceux qui n’y ont jamais goûté, pour les habitants des zones de forêt, elles représentent au contraire un véritable trésor. Quand vient la saison, comme en ce moment, une véritable fièvre s’empare des populations de ces régions. La zone de Mbaïki, située à une centaine de kilomètres de Bangui et peuplée d’eniron 50 000 âmes, en est un exemple émouvant.
Le correspondant de Radio Ndeke Luka explique que l’engouement des locaux pour les chenilles est si légendaire que certains Centrafricains réfléchissent par deux fois avant de prendre une épouse dans cette région : ils savent que chaque année, leur âme sœur devra impérativement rejoindre ses parents pour participer à la campagne des chenilles.
En effet, explique encore notre correspondant, ce sont des villages entiers qui se vident actuellement de leur population, offrant un spectacle étonnant aux visiteurs venant à passer après le départ pour la forêt des caravanes de récolteurs. Seuls les vieillards, les invalides et les célibataires restent sur place. Le grand départ pour la récolte des chenilles impose à chaque famille une grosse charge de travail. Il faut emporter pour toute la famille des vivres en quantité : des cuvettes de farine de manioc, de l’huile de palme, des épis de maïs, des régimes de bananes. Et ce stock est à renouveler au bout de trois semaines. Car les récolteurs vont vivre pendant plusieurs semaines en pleine forêt dans des campements installés à cet effet. Chacun d’eux accueille habituellement trois ou quatre familles, soit 20 à 30 personnes qui prennent leurs repas en commun.
La récolte des chenilles représente une activité économique non négligeable. Vendues fumées ou à l’état frais, elles rapportent aux parents de quoi préparer la rentrée scolaire de leurs enfants et faire face à bien d’autres dépenses. Dans la sous-préfecture de Mbaïki, où la seule culture de rente est le café, qui ne rapporte plus grand chose, les habitants ne prennent pas à la légère les préparatifs du départ au campement des chenilles. Pour les jeunes hommes candidats au mariage, c’est une période décisive où ils devront faire leurs preuves pour être appréciés et acceptés par leurs futures belles mères.
Les « boyo », qui sont les chenilles les plus succulentes, se trouvent sur les feuilles des « sapelli », grands arbres de forêt dense. On récolte également les chenilles « guéguéré » et « ndoussi ». Lorsque les éclaireurs envoyés en forêt constatent que les arbres à chenilles commencent à perdre leurs feuilles, ils courent annoncer la bonne nouvelle. Alors commencent les préparatifs. Une semaine plus tard, tout le monde a déjà gagné les campements.
Le ramassage des chenilles est pourtant un travail pénible. Il se déroule en pleine saison pluvieuse. Pour récolter une espèce particulière qui a la propriété de ne tomber des arbres qu’à cinq heures du matin, il faut sortir sous la pluie avant même le lever du soleil. Le séchage des chenilles, nécessaire pour bien les conserver, oblige également à couper du bois en quantité. Pourtant, les femmes considèrent cette campagne de récolte comme une véritable récréation après les durs travaux champêtres.
C’est aussi l’occasion de se refaire une santé. A cette période, toutes les personnes valides qui participent à la récolte gagnent du poids. Les chenilles en effet ne rapportent pas seulement de l’argent aux paysans. Selon les nutritionnistes, elles représentent pour les paysans un véritable « supercarburant alimentaire », étant donné leur richesse en protéines, vitamines et sels minéraux.
Mais la saison des chenilles ne fait pas que des heureux. Témoins, les bouchers de Mbaïki qui parlent avec amertume de ce qui est pour eux une morte saison. « Pour toute la ville, à cette période, il arrive qu’on n’abatte qu’un seul bœuf à la fois et qu’on ne parvienne même pas à écouler toute la viande. » Même son de cloche au marché du Kilomètre 5 à Bangui. Les bouchers se plaignent de l’indifférence que marquent les ménagères pour la viande de bœuf : « Quand viennent les chenilles, elles peuvent se passer de nous. »
RNL et Syfia